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1 mai 2024 18 h 07 min

« Côte d’Ivoire finance reforestation par crédits carbone »

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Afin de revitaliser ses forêts, le gouvernement de la Côte d’Ivoire envisage de privatiser certaines d’entre elles. Cette mesure vise à tirer parti de l’intérêt croissant du secteur privé dans les crédits carbone, qui sont des unités de valeur attribuées pour chaque tonne de CO2 compensée par des actions écologiques et qui peuvent être vendues sur un marché spécifique. L’idée est de monétiser le patrimoine naturel du pays.

D’ici fin 2024, la première forêt qui serait concédée pour une période de cinquante ans est la forêt classée du Haut-Sassandra, située à l’ouest du pays. Les gestionnaires techniques et financiers du projet, Agro-Map de Côte d’Ivoire et la société française aDryada, deux entités spécialisées dans la vente de crédits carbone issus de projets de restauration de la biodiversité, s’engagent à replanter 100 000 hectares de terres ravagées par des décennies de culture du cacao et d’exploitation forestière.

Le projet, appelé Karidja, devrait retirer environ un million de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) de l’atmosphère chaque année en l’espace de huit ans, selon Fabio Ferrari, fondateur et directeur général d’aDryada. Ces crédits carbone seront alors revendus à des entreprises cherchant à compenser leur impact environnemental. Une partie du produit de cette vente sera réinvestie dans Karidja, s’ajoutant aux 130 millions d’euros nécessaires pour son démarrage.

Aboa Dogui, conseiller technique au ministère des eaux et forêts de Côte d’Ivoire, admet que les ventes de crédits carbone sont largement considérées par les autorités du pays. Ces ventes offrent à la fois une opportunité économique et écologique, permettant à l’État de conserver ses ressources financières tout en donnant un coup de pouce à sa politique de reforestation. Initialement formalisée dans la Stratégie de préservation, de réhabilitation et d’extension des forêts (Spref) en 2019, l’objectif principal de cette politique est de retrouver un couvert forestier de 20% d’ici 2030.

Il existe un consensus politique autour de ce sujet, en raison de l’état alarmant de la forêt ivoirienne. En effet, la surface totale de la forêt, qui s’élevait à 16 millions d’hectares en 1960, a diminué de près de 80%. Le taux annuel de déforestation se situe entre 3% et 4% selon les statistiques officielles. L’agriculture non réglementée, notamment la culture du cacao, est le principal coupable de cette catastrophe environnementale.

En 2019, le gouvernement ivoirien a promulgué un nouveau Code forestier pour contrôler la production de cacao, qui était officiellement interdite mais plutôt courante dans les 231 forêts classées du pays. À titre indicatif, environ 40% du cacao provient illégalement de ces forêts.

La nouvelle loi a autorisé la conversion de 76 forêts classées, qui présentent un taux de dégradation supérieur à 75%, en « agroforêts ». Ce sont des zones où l’agriculture est autorisée selon un modèle agroforestier, visant à équilibrer les rendements agricoles et la préservation de l’écosystème.

Agroforestry is widely accepted by Ivorian politics today, as it aids in forest restoration while promoting agriculture that meets new international standards, such as the EU regulation set to ban deforestation products from 2025. With this in mind, Haut-Sassandra forest is set to become the country’s fourth “agroforest”, and the first to be funded through carbon credits within a public-private partnership (PPP) model.

Almost a third of Karidja, that’s 30,000 hectares, is committed to agroforestry. The already planted cocoa trees will be preserved amongst other crops. The aim for the rest of the area is to « replant native species and recreate a similar ecosystem to that which formerly existed », says aDryada’s CEO. Existing cocoa plantations won’t be destroyed, but instead, « a planned transition to other agricultural activities over ten to fifteen years » is in sight.

The development plan has already been approved and the Ivorian government is finalising regulatory preparations to monitor carbon credits, upon which it relies on to finance at least 20% of reforestation, amounting to €200 million, according to Aboa Dogui.

Il reste à déterminer la manière dont les fonds obtenus grâce à la vente de crédits carbone seront distribués entre investisseurs, exploitants et l’Etat. Agro-Map, le gestionnaire technique du projet, suggère que le gouvernement ivoirien pourrait obtenir « plus de 25% de la valeur » des ventes. À l’heure actuelle, la tonne de CO2 est vendue entre 3 et 6 dollars (entre 2,81 et 5,62 euros) sur le marché volontaire, mais pourrait atteindre entre 25 et 75 dollars d’ici la fin de la décennie, selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI).

Contrairement au marché règlementé, tel que celui de l’UE, qui est imposé aux entreprises les plus polluantes, le marché volontaire reste largement non régulé et susceptible d’abus, tels que l’achat illégal de terres. « Sans régulation, c’est un peu comme le Far-West », reconnaît Fabio Ferrarri, PDG d’aDryada, en évoquant l’exemple du Zimbabwe, où « des crédits carbone ont été vendus pendant des années sans que le gouvernement ne soit informé ».

La position et le rôle des populations

Les initiatives de compensation se multiplient en Afrique. En 2023, la Zambie a signé un accord avec deux entreprises chinoises pour reboiser 5% de son territoire. La même année, au Liberia, 10% du territoire a été placé sous la juridiction des Émirats Arabes Unis pour une durée de trente ans, par l’intermédiaire de la société Blue Carbon LLC.

En Côte d’Ivoire, « la restauration de la forêt est indissociable du développement socio-économique des communautés rurales », affirme le ministère des eaux et forêts. « Des centaines d’emplois directs » seront générés par le projet Karidja, affirme aDryada, ajoutant que « des autorisations pour cultiver et commercialiser les produits agricoles », seront accordées aux communautés locales.

Parviendra-t-on à apaiser les inquiétudes des 18 000 familles qui dépendent de cette forêt? Agro-Map admet qu’il y a quelques réserves. Le dirigeant de Dryada maintient qu’il n’y a « aucun enjeu de relocalisation, car les agriculteurs vivent en dehors de la forêt protégée », mais, d’après l’économiste François Ruf, chercheur à l’Institut de co-opération internationale pour la recherche agronomique en développement, « les autorités devront nécessairement relocaliser une partie de la population, ou au moins limiter leurs activités ou leurs mouvements. Il y aura des conflits pour les droits fonciers ».
Si Karidja opère selon une logique de profit, en « risquant de favoriser les arbres à croissance rapide (…) pour obtenir des résultats rapidement », prévient Marie-Solange Tiebre, directrice du Centre national de botanique de Côte d’Ivoire, l’amélioration des conditions de vie des communautés touchées semble être la première clé du succès du projet.

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