Chaque année, presque sans exception, des instituts de sondage questionnent la population française sur l’impôt sur les héritages. Les réponses sont clairement orientées vers une réduction de cette taxe, avec seulement quelques variations en pourcentage. La plus récente enquête réalisée par Odexa pour le magazine Challenges en date du 25 avril révèle que 84 % des personnes interrogées aimeraient que les parents laissent « autant de patrimoine qu’ils le peuvent à leurs enfants », et 77 % considèrent cet impôt comme inéquitable. En 2022, une étude d’Opinionway-Les Echos indiquait que 81 % de la population française étaient opposés à une hausse de l’impôt sur les héritages. Ce prélèvement fiscal est moins apprécié que les autres, selon l’étude.
Quel est le nombre de personnes qui reçoivent d’importantes héritages ?
C’est un paradoxe que le refus d’un prélèvement sur les héritages aussi net, alors que seul un petit nombre de Français contribuent effectivement à cet impôt. En réalité, on peut hériter sans avoir à payer cet impôt, car des déductions sont appliquées sur les montants hérités selon le degré de parenté entre le défunt et le bénéficiaire.
La déduction atteint 100 000 euros pour une succession en ligne directe. Par exemple, si un parent laisse 150 000 euros d’actifs à son enfant, seulement 50 000 euros seront soumis à l’impôt. Le barème est ensuite progressif, les taux d’imposition fluctuent entre 5 % et 45 % en fonction des montants.
D’après l’Insee, en 2018, seulement 14,6 % des parents laissaient des héritages de plus de 100 000 euros, ce qui les rendait redevables de l’impôt sur les héritages.
Les exemptions fiscales varient en fonction du lien de parenté : par exemple, un frère ou une sœur bénéficierait d’une exemption de 15 932 euros, tandis qu’un neveu ou une nièce de 7 967 euros. Les taux d’imposition sont également plus élevés pour les frères et sœurs (35% à 45%), atteignant jusqu’à 55% pour un parent du 4e degré, et 60% dans tous les autres cas.
D’après les données de l’INSEE, l’immense majorité (38,7%) des héritages (provenant de grands-parents, de neveux, etc.) ne sont pas supérieurs à 8000 euros, très peu (12,9%) dépassent les 100000 euros.
Comment peut-on justifier cette impopularité? Pourquoi autant de répulsion à augmenter cet impôt qui, finalement, ne touche qu’une minorité de la population française? Selon une étude de l’Observatoire des inégalités de 2022, la façon dont les questions sont formulées pourrait influencer l’opinion publique : d’un côté, une question simple qui appelle une réponse émotionnelle, comme donner à ses enfants, de l’autre, une réflexion économique abstraite qui n’est pas évidente.
Guillaume Allègre, économiste qui a rédigé une étude pour l’Observatoire français des conjonctures économiques intitulée « Droits de succession : Pourquoi les économistes ne sont-ils pas écoutés ? », propose une autre raison : les personnes ne comprennent pas bien les caractéristiques de l’impôt sur la succession et ont tendance à surestimer son impact et la probabilité qu’ils soient eux-mêmes concernés. Cela dit, ce n’est pas une explication suffisante pour lui : l’impôt progressif est impopulaire parmi tous les groupes sociaux, comme il le mentionne dans son analyse publiée en 2022.
Dans le dernier sondage réalisé par Odexa, on demandait aux participants si « la plupart des héritages sont exemptés d’impôt ». Néanmoins, 79% des personnes interrogées sont en faveur d’une diminution de cet impôt sur les transmissions de biens.
Mais combien cet impôt génère-t-il pour le gouvernement?
Les taux d’imposition sur les héritages sont demeurés constants depuis 2011. Dans la même période, l’inflation a fait augmenter la valeur des biens dans le patrimoine des Français. Ces deux facteurs conjugués ont provoqué une augmentation effective des revenus fiscaux. En 2022, les droits de succession et donation ont contribué à hauteur de 18,5 milliards d’euros à l’économie du pays, alors qu’ils n’étaient que de 8 milliards il y a onze ans. Cependant, ce montant est largement inférieur à celui de l’impôt sur le revenu (environ 110 milliards d’euros) ou de la TVA (presque 273 milliards d’euros).
D’après une étude du Conseil d’Analyse Économique (CAE) publiée en 2021, « l’héritage contribue à l’augmentation des inégalités patrimoniales, une situation bien plus marquée que celle résultant des revenus du travail ». Plusieurs économistes, à l’image de Thomas Piketty dans son livre « Le Capital au XXIe siècle », considèrent les successions comme un des principaux facteurs d’inégalités sociales. Pour reprendre les mots de l’économiste Nicolas Frémeaux, auteur de « Les Nouveaux Héritiers », et interrogé par Télérama, « un tiers de la population ne reçoit aucun héritage, un autre tiers en reçoit très peu. Par contre, 10 % des héritiers reçoivent plus de la moitié de la totalité des héritages ».
Les individus concernés par les taxes de succession ont la capacité de s’en libérer en utilisant des stratégies juridiques et fiscales. Il y a l’option de faire des dons pendant leur vie, d’établir des sociétés civiles immobilières familiales pour transférer des actifs en utilisant des parts d’entreprise, ou de procéder à des décompositions de propriété pour diviser et transférer un bien afin de minimiser les frais fiscaux. Selon les calculs de la CAE, 40 % de la fortune transférée échappe à l’administration fiscale grâce à ces diverses méthodes. Contribuer.
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