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« Yu Pei-yun: Ma jeunesse révolutionnée comme Satrapi »

La carrière d’un écrivain de bande dessinée peut parfois commencer avec une crise de larmes. C’est ce qui s’est passé pour Yu Pei-yun, un professeur et chercheur en littérature à l’Université de Taitung, sur la côte est de Taiwan, en 2016. Lorsqu’elle a entendu le récit de survie de Kunlin Tsai, un éditeur taïwanais peu célèbre, qui avait relaté son passé et sa détention à « Green Island », une colonie pénitentiaire célèbre pour sa répression sous la dictature de Chiang Kai-shek, elle a craqué.

« C’était la première fois que j’entendais directement de la bouche d’une personne son expérience de la Terreur Blanche », rappelle Yu Pei-yun, qui a rencontré fin février à Paris, au Musée Guimet, où elle a obtenu le prix du livre asiatique. Pendant trente-huit ans, de 1949 à 1987, des dizaines de milliers d’individus ont été persécutés, maltraités, ou tués pour leur opposition, vraie ou supposée, au gouvernement nationaliste. Née en 1967, Yu Pei-yun n’a jamais été directement exposée aux jours sombres de Taiwan. « Quand j’étais plus jeune, les adultes ne discutaient pas de la politique avec leurs enfants par prudence, » affirme-t-elle. « C’était un sujet que nous avons toujours tendance à esquiver. »

Il n’est pas possible de faire pleurer une universitaire sans conséquence. Yu Pei-yun s’est engagée à dénouer minutieusement chaque aspect de la vie du vieil éditeur. Elle prend immédiatement cette résolution : cette histoire qui relate en totalité l’histoire récente de l’île, sera transformée en une saga sous forme de bande dessinée – Le Fils de Taïwan, qui sortira en quatre volumes en français entre 2022 et 2024 sous la maison d’édition Kana. « Mon désir était de faire connaître cette histoire à la jeune génération pour que celle-ci soit largement diffusée, explique-t-elle. Le format du manhua m’a semblé le plus approprié. »

Scénario terriblement efficace

Le manhua, très différent du manga japonais, est une catégorie de bande dessinée dans le monde chinois. En principe, les manhua se lisent de droite à gauche, mais Le Fils de Taïwan, conçu dès le début pour le marché international, fait fi de cette norme. Rien ne le distingue d’une bonne vieille BD franco-belge au premier abord, sauf pour quelques innovations du dessinateur Zhou Jian-Xin : le style de dessin qui varie d’un album à l’autre pour marquer les différentes périodes; les polices de caractères, différentes en fonction de la langue parlée par les personnages (taïwanais, chinois ou japonais); les teintes sélectionnées pour les aplats, qui confèrent à chaque livre une singularité, comme si la série était constituée de quatre œuvres distinctes.

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