Yasmina Liassine, née dans les années 1960 d’un père algérien et d’une mère française, est l’auteure de son premier roman, « L’Oiseau des Français », une œuvre qu’elle avait longtemps voulu écrire. Suite à la l’obtention de l’indépendance par l’Algérie, elle a vécu toute son adolescence dans ce pays avant de déménager en France dans les années 1980. Ayant embrassé la carrière d’enseignante en mathématiques à Paris, un domaine qu’elle continue d’explorer jusqu’à ce jour, elle se trouve souvent dans une situation où on la précise pas avoir l’air algérienne, comme elle le partage avec humour lors d’une entrevue pour « Le Monde des livres ».
Son roman, bien qu’il ne fournit pas de réponses précises, soulève des questions fondamentales sur l’identité : être française, être algérienne, ou être franco-algérienne – qu’est-ce que cela signifie? Ces questions filtrent à travers divers personnages et différentes époques d’un pays qu’elle aime, reflétant toutes ses subtilités, de l’Antiquité à nos jours. Pour Yasmina Liassine, écrire ce roman était une manière de contrer stéréotypes simplistes et déformations historiques. Il y existait, selon elle, une mésentente sur l’Algérie qu’elle connaissait, qui semblait différente de celle dont les gens parlaient, avec maintes histoires omises, impliquant une nécessité d’écrire.
Alors, pourquoi a-t-elle tardé à écrire ? Yasmina Liassine explique que bien qu’elle ait toujours eu un intérêt pour la littérature et la lecture, il n’était pas évident de prendre le risque de l’écriture. Elle s’est tournée vers les mathématiques, non pas par obligation mais par passion. Elle se demande encore s’il y a une corrélation entre son amour des mathématiques et celui de la littérature.
Yasmina Liassine est l’auteure d’un livre destiné aux adolescents et elle a également compilé une anthologie sur ses Mathématiques préférées (Les Mathématiques, au complet, Gallimard, 2000 ; L’appétit pour les mathématiques, Mercure de France, 2013). Elle s’est beaucoup immergée dans les œuvres de Jacques Roubaud, un poète et mathématicien reconnu : « Je me questionne souvent si les mathématiques ne sont pas aussi une forme d’art du langage … C’est un art du langage assez unique à mon sens, mais celui que j’ai toujours apprécié : lors de la création d’un objet mathématique, par exemple, la question de son nom est toujours prédominante et, curieusement, il est fréquent que le mot sélectionné ne soit pas un terme technique, mais plutôt un mot du langage familier. »
Un lien entre deux univers proches
Dans L’Oiseau des Français, une démonstration de ceci est fournie quand la notion de frontière est introduite, une notion majeure dans une histoire qui tisse constamment un lien entre deux univers proches, souvent enchevêtrés, souvent comparés aux « couples mixtes » qui y sont mentionnés : « Les mathématiciens proposent cette définition de ce que représente une frontière : “Un point est considéré comme faisant partie de la frontière d’un ensemble si tout voisinage de ce point contient au moins un point appartenant à l’ensemble et un point extérieur à l’ensemble.” Si je prends cette définition pour mon Alger, je suis presque constamment à la frontière et je suis moi-même entièrement une sorte de frontière, car mon voisinage personnel, intimement rapproché, familial, amoureux, est toujours constitué d’Algérie et de France… »
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