La situation peut sembler inhabituelle. Pensez à une scientifique française spécialisée en l’impact de l’urbanisation sur les oiseaux. Rajoutez une autre chercheuse française, experte en communication acoustique entre adultes et embryons. Puis, transférez cette paire en Australie pour leur postdoctorat. Laissez quelques années passer. Le succès n’est pas garanti. Cependant, cette fois, la collaboration entre Alizée Meillère, Mylène Mariette et deux autres biologistes de l’University Deakin a abouti à des résultats impressionnants. Leur document est présenté fièrement dans l’édition du vendredi 26 avril de la revue Science.
L’équipe a réussi à démontrer que les embryons de diamants mandarins, exposés aux bruits de circulation lorsqu’ils sont encore dans l’œuf, voient non seulement leurs chances d’éclore diminuées, mais aussi leur développement futur être entravé. L’impact de la pollution sonore in utero sur la survie des embryons a été prouvé chez certaines espèces d’oiseaux et de rongeurs. Chez les humains, « des recherches ont révélé une correlation entre le niveau de bruit auquel sont exposées les mères et le taux de mortalité prénatale », indique Alizée Meillère. Cependant, dans tous ces cas, il n’a pas été possible de distinguer entre un effet subi par les mères et transféré à leur progéniture, ou un impact direct du bruit sur l’embryon.
Dans le but d’atteindre leurs objectifs, les scientifiques ont veillé à ce que les parents ne soient jamais soumis à du bruit. Avant l’éclosion, pendant cinq jours, les œufs ont été mis dans un incubateur pendant quatre heures et demie chaque jour avant d’être replacés dans le nid. Certains ont été soumis à des bruits de circulation modérés (65 décibels, comme une conversation), tandis que d’autres ont été exposés à des chants d’oiseaux enregistrés de leur propre espèce. Le même processus a été répété avec les poussins pendant neuf jours, de leur quatrième jour à leur treizième jour après éclosion.
Les résultats obtenus sont frappants. Le taux de survie des embryons qui ont été soumis aux bruits urbains est considérablement plus bas que celui des autres. De plus, l’effet de ce bruit persiste à tous les stades de la vie des survivants. Leur croissance est plus lente et leur capacité à se reproduire est fortement affectée, car ils produisent deux fois moins de progéniture. Les indicateurs biologiques montrent également un impact à long terme, notamment un vieillissement cellulaire accéléré.
Les poussins exposés à la perturbation subissent un effet similaire, bien que légèrement moins intense. Cela entraîne une accumulation de conséquences négatives. Il était supposé que l’exposition in utero pourrait préparer les jeunes à mieux gérer le bruit du trafic. Cela s’est avéré faux. Le bruit ajoute simplement une nuisance supplémentaire.
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