La première fois que j’ai pris place au piano pour un spectacle en France, j’ai ressenti une sensation étrange et nouvelle. Tout était singulier, y compris le public. Les français ne comprennent pas ma culture à laquelle je tiens particulièrement. C’est en France que les femmes ont la liberté de monter sur scène et de chanter, une chose qui reste interdite en Iran, mon pays natal. L’absence de cette liberté musicale m’a conduit à l’exil et j’ai décidé de quitter l’Iran en 2018 avec le rêve de devenir un pianiste professionnel.
J’ai passé mon enfance à Téhéran au sein d’une famille de musiciens. J’ai commencé à apprendre le piano dès l’âge de 6 ans et dès lors, cet instrument a occupé un rôle primordial dans ma vie. Je m’entraînais quotidiennement après l’école à la maison où nous avions deux pianos acoustiques. Mon père, pianiste et ingénieur, avait réglé le deuxième piano pour jouer des mélodies orientales qui, contrairement aux mélodies occidentales, s’appuient sur des quart de tons au lieu de demi-tons. J’adorais le baroque et le romantisme, et toucher les touches de piano pour jouer Mozart, Brahms, Schubert et Beethoven était un plaisir immense pour moi.
Au sein de mon foyer iranien, loin des regards indiscrets, je pouvais jouer de la musique sans contrainte. Cependant, jouer publiquement était une autre paire de manches. Il était tout bonnement impossible de sortir un album ou d’organiser un concert sans l’autorisation du ministère de la culture. Certains genres musicaux, comme le rap, étaient totalement interdits, et défier ces interdictions pourrait mener à l’emprisonnement. Cette réglementation stricte dans le domaine musical était la réalité que je vivais.
Au cours de mes années adolescentes, de 12 à 16 ans, j’ai eu l’opportunité de participer à plusieurs concerts. J’ai rejoint la chorale de l’ambassade d’Autriche en qualité de pianiste, une opportunité qui m’a été accordée par mon professeur de musique, un ancien étudiant à Vienne. Nous avons joué un éventail de mélodies classiques allemandes ainsi que des comédies musicales, y compris une interprétation du Livre de la jungle, mais nos performances étaient souvent réservées à un public restreint ou étaient tenues dans des endroits à accès limité, là où les restrictions musicales étaient absentes.
Aussi, j’ai fait quelques performances lors de concerts dans des salles publiques, par exemple lors de mon premier récital à l’âge de 16 ans où j’ai eu l’occasion de jouer mes propres compositions. Toutefois, pour ce concert en particulier, j’ai dû obtenir une autorisation spéciale, que j’ai reçue seulement trois jours avant l’événement, malgré ma demande faite trois mois à l’avance.
Ces demandes d’autorisation sont examinées par une commission au ministère de la culture iranien qui évalue le répertoire de chansons du demandeur. Beaucoup sont refusés l’autorisation d’organiser des concerts ou de sortir un single. La seule fois où j’ai fait la demande moi-même, j’ai dû faire de nombreux déplacements au ministère jusqu’à ce que mon projet soit finalement accepté.
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