La plateforme de Philippe Courtet et Emilie Olié, « Le soutien à la mort ne devrait pas reposer uniquement sur l’avis du patient » (Le Monde, 10 avril), suscite de nombreux questionnements. En tant que psychiatres, ils soutiennent que la dépression peut affecter la capacité d’un patient à prendre des décisions éclairées, y compris dans le contexte de maladies physiques telles que le cancer. Selon eux, le suicide n’est rien de plus qu’une « réponse extrême à une douleur psychologique insupportable », une douleur qui, soutiennent-ils, peut toujours être atténuée grâce à des traitements pharmaceutiques appropriés. Ils insistent sur le fait que « tous les patients demandant un soutien pour mourir doivent subir une évaluation psychiatrique approfondie ». La décision d’assister à la mort « doit reposer sur une évaluation médicale ».
Cela nous amène à nous demander si cette exigence n’est pas en contradiction avec la loi Kouchner, qui confirme le droit du patient de refuser un traitement, y compris par le biais de directives préalables. En cas de mort préméditée, le patient rejette tout traitement médical en faveur d’un acte de libre choix. Cependant, si nous suivons la suggestion de la plateforme précédente, il devrait d’abord obtenir l’approbation du psychiatre qui confirmerait « sa capacité à prendre des décisions éclairées » et, s’il le juge « dépressif », lui prescrirait un traitement à base d’antidépresseurs et d’analgésiques.
Dans le contexte de la loi Kouchner, un patient pourrait être reconnu comme ayant suffisamment de jugement pour décliner un traitement mais pas pour recevoir une assistance pour mourir. Autrement dit, il se retrouverait piégé dans une situation complexe : dans le but de faire valoir son droit de dire non à tous traitements médicaux et d’avoir accès à une assistance pour mourir, il serait obligé de se soumettre à une évaluation médicale déterminante de son droit. Le pouvoir médical consent à lui donner ce droit, mais le reprend simultanément.
Comment peut-on briser ce cycle? En France et dans tous les pays démocratiques, il existe une entité juridique plus puissante que le médecin : le juge. Si une personne est forcée à l’internement psychiatrique suite à une prescription médicale, elle peut faire appel à un juge qui a la capacité de la libérer, même contre le verdict du médecin. De la même manière, la décision de mettre une personne sous tutelle est prise par un juge, il peut consulter un médecin mais n’est pas obligé de suivre son avis.
Jurisprudence européenne
Qui peut nier que la décision de finir sa vie soit un droit fondamental et non simplement un soin médical ultime parmi tant d’autres ? La Cour européenne des droits de l’homme partage cette vision. Dans plusieurs verdicts récents, elle a établi que ce sujet relevait de l’article 8 de la Convention des droits de l’homme, qui concerne le droit de chaque individu à vivre sa vie privée comme il le souhaite.
Vous devez continuer à lire pour avoir accès à 59.11% de cet article. Le reste du contenu est accessible uniquement aux abonnés.