Le difficile coup de Kremlin frappe rarement un haut commandant militaire en fonction. L’arrestation étonnante du sous-ministre russe de la défense, Timour Ivanov, le 23 avril, a engendré une atmosphère glaciale derrière les murs imposants du ministère, situé sur le quai Frounzenskaïa, à Moscou. Cela se produit dans un contexte de stagnation de l’offensive russe en Ukraine et d’une éventuelle réorganisation ministérielle prévue à partir du 7 mai, jour de l’inauguration de Vladimir Poutine pour son cinquième mandat. Cette poursuite judiciaire, sans précédent depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie il y a deux ans et deux mois, pourrait être l’illustration d’une déception croissante du président envers son ministre de la défense, Sergueï Choïgou, en fonction depuis 2012.
Le porte-parole de Kremlin, Dmitri Peskov, a annoncé mardi que Vladimir Poutine et le ministre de la défense avaient été mis au courant de l’arrestation d’Ivanov. Sergueï Choïgou a ordonné le renvoi de Timour Ivanov jeudi 25 avril au matin.
Présenté devant le juge en uniforme militaire le mercredi 24 avril, le viceministre, âgé de 48 ans et reconnu pour son style de vie luxueux et flamboyant, a été incarcéré de manière préliminaire au moins jusqu’au 23 juin dans la prison de Lefortovo, connue pour être sous la surveillance de la sécurité d’Etat (FSB). Très proche de M. Choïgou, Timour Ivanov est accusé d’être impliqué dans une « conspiration criminelle avec des tiers » pour recevoir de « grands pots-de-vin » lors de contrats et travaux de sous-traitance pour le ministère de la défense.
Sa mission principale était de superviser la construction et l’entretien des propriétés et équipements du ministère. Ce rôle, qui gère des montants astronomiques d’argent, est devenu le plus critique dans le budget du pays, étant donné que la défense est la dépense principale. En tant que vice-ministre, il était responsable de projets gigantesques, comme la reconstruction de la ville ukrainienne de Marioupol, détruite en 2022 par des attaques russes. Avant cela, il avait géré la construction de la cathédrale des forces armées russes près de Moscou, le cosmodrome de Vostotchny et les centres médicaux du ministère de la défense pour soigner les patients touchés par le Covid-19.
L’homme clé de Choïgou
Visé par plusieurs investigations majeures menées par des journalistes indépendants et des alliés de l’opposant assassiné Alexeï Navalny, Timour Ivanov commençait à être vu comme un maillon faible au ministère, surtout parce que son mode de vie ne correspondait pas à ses revenus déclarés, et encore moins à la situation délicate dans laquelle se trouvent les soldats russes en Ukraine. Son allure raffinée, ses lunettes à monture fine et son expression douce contrastaient fortement avec l’image d’un fonctionnaire, qui affiche habituellement en public un visage sévère et des manières rustres.
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