Ece prend un moment de répit. Les travaux de construction de sa résidence étudiante continuent même pendant le week-end. Le bruit ne la perturbe pas, mais elle prend le temps de faire quelques petites promenades dans ce quartier isolé d’Istanbul, situé sur la côté asiatique, loin des attractions touristiques et de son université, pour se changer les idées.
À 22 ans, cette jeune femme, qui ne révèle que son prénom, est en troisième année d’études médicales. Elle fréquente une université privée « assez réputée, dit-elle, bien qu’elle ne soit malheureusement pas à la hauteur des meilleures universités publiques ». Ece, fille de docteurs et originaire de Hatay, une région ravagée par le séisme du 6 février 2023, fait partie d’une génération qui a appris à avaler ses déceptions. « Moi aussi, j’aimerais partir à l’étranger, travailler et vivre ailleurs, comme tous les gens de mon âge », déclare-t-elle.
Parmi les dix étudiants de sa classe, une seule n’est pas, pour l’instant, prête à envisager de quitter le pays. Comme tous les autres étudiants, Ece doit encore passer trois ans à étudier pour obtenir son diplôme avant de commencer les démarches pour quitter la Turquie. « Personnellement, j’aimerais trouver un emploi à Londres, bien que je sois encore indécise quant à ma spécialité et ma destination ; j’apprends également l’allemand, car presque tous les gens que je connais préfèrent opter pour une ville allemande. »
D’après une étude menée en 2023 par la Fondation Konrad Adenauer d’Ankara, qui a couvert tout le pays, les deux tiers des jeunes âgés de 18 à 25 ans seraient prêts à quitter la Turquie si l’occasion se présentait – une proportion encore plus élevée parmi ceux qui entreprennent des études longues, telles que la médecine ou l’ingénierie. L’Allemagne demeure la destination préférée.
Une atmosphère oppressante.
Ece explique qu’elle a commencé à ressentir l’envie d’émigrer à l’âge de 14-15 ans. Elle déclare que ce sentiment a été alimenté par l’angoisse d’une crise économique interminable et un environnement oppressant. Selon elle, en Turquie, il y a une peur constante d’être sanctionné par les autorités pour avoir prononcé une parole maladroite, certains pourraient même être arrêtés pendant une manifestation ou poursuivis pour un simple tweet.
Ece s’est retirée des médias sociaux, bien que son compte Instagram soit toujours actif, elle ne l’a pas vérifié depuis deux ans. Elle révèle qu’elle a ressenti une intensification de la pression de l’État, particluièrement dans les universités, suite au coup d’Etat manqué de 2016, dont ses parents ont été témoins. Elle signale l’abdication de centaines de professeurs et le harcèlement envers les universitaires. Ce climat oppressant a poussé beaucoup d’entre eux à quitter le pays, entraînant une véritable fuite des cerveaux.
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