Il n’est pas courant de tomber sur un article dédié aux skyrmions. En fait, il s’agit seulement de la deuxième fois que Le Monde y consacre des lignes. Cependant, il se pourrait qu’on doive s’acclimater à ce nouveau terme. Albert Fert, lauréat du prix Nobel de physique en 2007, a prédit dans ces pages en août 2013 que l’enthousiasme autour des skyrmions serait durable. Onze ans plus tard, « nous surpassons largement les prévisions initiales » affirme Stanislas Rohart, chercheur CNRS au Laboratoire de physique des solides à l’université Paris-Saclay.
Alors, qu’est-ce qu’un skyrmion ? C’est une structure magnétique microscopique, 10 000 fois plus mince qu’un cheveu soit quelques nanomètres, composée de spins électroniques en spirale. Ces spins, qui sont une caractéristique magnétique des charges négatives, peuvent être bougés en groupes tout en laissant les électrons immobiles. Ces spirales appelées skyrmions, du nom du physicien britannique qui les a conçues en 1962, Tony Skyrme, n’ont été observées pour la 1ère fois qu’en 2009.
La structure magnétique équivaut à la possibilité de stocker de l’information. C’est pour cette raison que, au cours des quinze dernières années, les chercheurs se sont beaucoup intéressés à cet objet ressemblant à une bulle de savon aplatie. Cependant, il présente un problème lié à l’effet Hall, qui est à la magnétologie ce que l’effet Magnus est au football. Le skyrmion va dévier de la trajectoire prévue, tout comme un ballon de football qui change de direction. « J’étais fasciné la première fois que j’ai observé ce phénomène gyroscopique dans un de mes échantillons », se rappelle Stanislas Rohart. Mais l’attractivité ne garantit pas l’efficacité.
Contrôle de l’effet gyroscopique
C’est exactement ce défi que les chercheurs du laboratoire Spintronique et technologie des composants (Spintec, université Grenoble-Alpes, CNRS, CEA) ont réussi à surmonter, selon un article paru dans la revue Science le 19 avril. Les scientifiques de Grenoble ont réussi à contrôler l’effet gyroscopique des skyrmions. Ils ont pu les diriger dans la même direction à faible courant électrique, atteignant des vitesses allant jusqu’à 900 mètres par seconde. C’est une véritable avancée comparée aux 100 mètres par seconde précédemment enregistrés. Et cela ouvre de nouvelles perspectives prometteuses, dont nous parlerons plus tard.
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