Le plus grand mouvement politique en Argentine depuis que Javier Milei a pris la présidence a récemment eu lieu. Le mardi 23 avril, des centaines de milliers d’Argentins, notamment des étudiants, ont participé à des manifestations à travers le pays pour exprimer leur soutien à l’université publique gratuite et leur opposition à la politique d’austérité du gouvernement ultralibéral actuel, instauré en décembre 2023.
D’après une source policière, la manifestation dans la capitale, Buenos Aires, a attiré entre 100 000 et 150 000 individus, tandis que l’Université de Buenos Aires (UBA) estime le nombre de participants à un demi-million. Un syndicat d’enseignants rapporte qu’un million de personnes ont manifesté au niveau national. Des manifestations ont également eu lieu dans les soixante universités publiques du pays, avec le soutien de divers instituts privés. À Cordoba, où se trouve l’université la plus ancienne du pays, établie au début du XVIIe siècle, des dizaines de milliers de personnes ont défilé.
Parents, enseignants, étudiants et personnel universitaire, ainsi que des syndicats et partis d’opposition, ont bloqué le centre de Buenos Aires près du Parlement, se dirigeant vers la Place de mai, siège de la présidence, dans l’après-midi. Selon l’Agence France-Presse (AFP), la place était bondée en fin de journée. Dans une atmosphère festive, de nombreux étudiants ont symboliquement levé un livre en signe de protestation, dénonçant une attaque brutale contre l’université. Pablo Vicenti, un étudiant en médecine de 22 ans, a exprimé son indignation à l’AFP, déclarant : « Ils prétendent qu’il n’y a pas de fonds pour l’éducation, alors qu’en réalité ils font le choix de ne pas investir dans l’éducation publique ».
Une menace de paralysie.
Les universités publiques, abritant plus de 2,2 millions d’élèves, proclament une « crise financière » suite à la décision du gouvernement de conserver le budget 2023 pour l’année académique 2024 (commençant en mars), en dépit d’une inflation de 288% sur un an. Tout cela s’inscrit dans une politique d’austérité générale, visant à atteindre un « déficit nul » d’ici la fin de l’année, objectif fixé par le gouvernement Milei, pour maîtriser l’inflation.
Pour de nombreux établissements, cela représente une menace de blocage. Certaines facultés de l’illustre UBA ont même instauré des mesures d’économie d’urgence: zones communes non illuminées, utilisation limitée des ascenseurs, horaires de bibliothèque réduits, etc. La faculté des sciences exactes de l’UBA, qui a produit le prix Nobel de médecine 1984, César Milstein, a même instauré un décompte en ligne jusqu’au jour où son budget 2024 sera épuisé. Mardi lors de la manifestation, il ne lui restait plus que 37 jours, 9 heures et 15 minutes.
La grande union syndicale CGT s’est associée à la protestation, ainsi que des organisations de gauche radicale et des opposants politiques, ouvrant la voie à des accusations de « manifestation politique » de la part du pouvoir exécutif. M. Milei a jouté du combustible au feu, stigmatisant certaines universités publiques comme des centres d' »endoctrinement » de gauche.
Alejandro Alvarez, le sous-secrétaire d’Etat aux universités, a averti les manifestants et leurs soutiens. « Qu’ils en fassent à leur guise, mais tant que Javier Milei sera président, l’argent public allant aux universités sera AUDITÉ (…) nous introduisons une inspection et un audit qui n’existaient pas auparavant », a-t-il déclaré sur X.
« Notre plan fonctionne », selon Javier Milei.
Le représentant du président, Manuel Adorni, a accentué lundi que l’enseignement public en Argentine a jadis été un « réverbère de l’éducation en Amérique », mais que « l’université a subi de graves difficultés (…) ainsi que des taux de fin d’études en chute libre» depuis des années.
« Il est impossible de remettre en question deux siècles d’histoire. Même avec un budget limité, l’UBA est parmi les trois premières universités en Amérique latine», a rétorqué le doyen de la faculté de médecine de l’UBA, Luis Brusco.
Le même Adorni a également rappelé un accord récent visant à augmenter les dépenses de fonctionnement des universités en deux étapes – +70% en mars puis +70% en mai. Un pourcentage loin de l’inflation, mais qui constitue une « discussion close », à sa lumière.
M. Milei, lundi soir, a averti qu’il ne fallait pas s’attendre à une solution du côté des dépenses publiques, tout en annonçant un excédent budgétaire pour le premier trimestre 2024, une première depuis 2008, grâce à une politique d’austérité. « Notre stratégie fonctionne », a-t-il fièrement déclaré.
« Tous nos problèmes peuvent être résolus avec plus d’éducation et d’enseignement supérieur public (…) L’éducation est notre salut et notre libération. Nous sollicitons la société argentine pour la défendre », a proclamé une étudiante devant la foule rassemblée sur la Place de mai.
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