La sensation de tomber dans le néant. C’est l’expérience vécue par Camille (qui a préféré rester anonyme), 21 ans, en octobre 2020, lorsque la deuxième vague de confinement a frappé. Nouvellement inscrite en première année à Polytech Nantes, la jeune fille se trouve prise au piège dans son appartement à Nantes. « Je pense que c’est le moment où je me suis sentie la plus isolée de ma vie », exprime-t-elle. Durant le mois et demi passé à l’université, Camille n’a pas vraiment eu l’opportunité de nouer des relations avec ses camarades de classe : « J’avais fait la connaissance de quelques personnes, mais nos échanges se limitaient à des messages concernant les cours, rien de personnel. » Elle perd l’intérêt pour ses études, a des troubles du sommeil et perd toute routine. « J’avais le sentiment de regarder ma vie de l’extérieur », observe-t-elle. Un jour, elle craque et se confie à sa mère. Elle retourne voir la psychiatre qu’elle voyait pendant son enfance, qui l’aide à surmonter sa dépression.
Le passage à l’âge adulte pour cette « génération Covid » a été particulièrement difficile pendant la pandémie. L’Université de Bordeaux a conduit plusieurs recherches sur ce sujet parmi les 18-25 ans, avant et après la crise sanitaire, à la rentrée 2022. Le constat est alarmant : 41 % des étudiants sondés en 2022 manifestent des symptômes dépressifs modérés à sévères, contre 26 % avant le Covid. Les pensées suicidaires ont aussi dangereusement augmenté, passant de 21 % à 29 %.
Selon l’épidémiologiste Mélissa Macalli qui a dirigé cette recherche, on a constaté qu’il n’y a pas eu de retour à la normale après les confinements. Les professionnels de la psychologie constatent qu’ils traitent plus de cas de jeunes, et ceux-ci sont de plus en plus complexes. Nous avons discuté avec une dizaine d’étudiants sur le point d’obtenir leur master quatre ans après le début de la pandémie. Tous ces étudiants ont fait leurs premiers pas dans le monde académique alors que l’enseignement supérieur était en pause. Tous ont été touchés d’une manière ou d’une autre par cet étrange commencement.
« Plus le Covid était éloigné, mieux c’était pour moi »
Après avoir consulté à nouveau son psychiatre, la vie de Camille a progressivement repris une certaine normalité. L’étudiante en électronique et technologie numérique a commencé à se sentir mieux alors que le Covid perdait de son importance. En deuxième année, elle a retrouvé l’intérêt pour ses cours et a rencontré son partenaire. Cependant, elle est persuadée que cette longue période d’isolement a laissé des traces : « Quand je suis entourée de beaucoup de monde, je ressens de l’anxiété et je perds mes moyens ».
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