Pour la première fois, des individus vivant dans la pauvreté ont participé à l’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté mise en place par le gouvernement entre 2018 et 2022. Le résultat de cette évaluation a été jugé favorable. Johanna Barasz, qui coordonnait cette tentative initiée par l’entité gouvernementale France Stratégie, rapporte que leurs suggestions ont eu un impact significatif, que ce soit pour améliorer le respect de l’assistance sociale ou pour recommander des politiques spécifiques pour les anciens détenus et les femmes seules. Elle a co-édité une note d’évaluation en janvier encourageant d’autres organismes à impliquer les citoyens dans l’évaluation des mesures gouvernementales pour les améliorer.
Cette idée, de « faire avec les personnes concernées », plutôt que « faire pour elles », est une initiative qui a vu le jour grâce à des associations de l’entraide à la lutte contre l’exclusion comme ATD Quart Monde, cofondée en 1957 par les résidents d’un bidonville parisien. Cette approche convient naturellement aux organisations plus récentes telles que Entourage, soutenue par un comité de la rue, ou La Cloche, qui se base sur la participation volontaire de personnes, avec ou sans abri.
Depuis 2016, le gouvernement offre un soutien financier et officiel au Conseil national des personnes accueillies et accompagnées (CNPA) et à ses branches régionales (les CRPA), qui ont vu le jour six ans auparavant grâce à l’Armée du salut. « Le CNPA et les CRPA ont régulièrement mené des discussions et mis en avant des idées sur tous les problèmes relatifs à la précarité et à la pauvreté. Ils n’ont pas simplement abordé la question de l’hébergement d’urgence, d’où proviennent de nombreux membres. C’est une véritable reconnaissance de leur travail », explique Blandine Maisonneuve, coordinatrice du CNPA. Ces délégués changent progressivement la perception selon laquelle la pauvreté est de leur faute, leur rôle étant de plus en plus reconnu par d’autres institutions.
Anne-Sophie Rochegune, 37 ans, a tout de suite trouvé du mérite dans le CRPA de La Réunion, qui est ouvert à tous, sans nécessiter de savoir lire ou écrire ou de posséder un titre de séjour. Élue déléguée, elle se sent à sa place : « Nous avons contribué à adapter l’aide alimentaire pour les sans-abri, qui ne peuvent ni stocker ni cuisiner des boîtes de conserves. Nous sommes en train d’établir une typologie des nouvelles drogues en circulation sur l’île pour l’agence régionale de santé. Je participe également aux comités qui identifient les personnes prioritaires parmi celles qui revendiquent leur droit au logement. »
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