Dans son dernier ouvrage, « Oslo, de mémoire », Didier Blonde plonge dans un passé où plane un « tropisme nordique ». Il nous présente une autre version de son Autoportrait aux fantômes publié par Gallimard en 2022. Didier devient un personnage en ombre, passionné de recherches, amoureux du cinéma muet et des adresses parisiennes, comme un « palimpseste de souvenirs ». En mars 2011, sur la terrasse du Dôme Villiers à Paris, il relit une correspondance venue de la Norvège : Liv Fure, une réalisatrice, l’invite à être conseiller sur un documentaire dédié au voyage de Cora Sandel à Paris, une Norvégienne sur laquelle il a des informations limitées.
L’étrange proposition ravive les mémoires de son voyage en Norvège, à l’âge de 18 ans, dans une 2CV rouge flamboyante, pour admirer le soleil de minuit depuis la falaise du Cap Nord. Avec les idées des œuvres d’Ibsen et Strindberg, les films de Victor Sjöström, et le « regard caméra troublant » de l’actrice Harriet Andersson dans Monika, un film d’Ingmar Bergman (1953), en toile de fond. Là, il a eu une courte romance avec la belle Inga : un souvenir vague qu’il tente de ranimer, en parcourant les rues d’Oslo sur son ordinateur.
Se remémorant Ie parc Frogner et le bar Justisen, le narrateur se souvient d’Inga, qui s’accompagnait au chant avec sa guitare. Sur la couverture du livre qu’elle lisait, apparait le nom de l’écrivaine, Cora Sandel. Cora n’est pas une actrice disparue, une autre « étoile filante », mais une femme qui a écrit avec passion sur la liberté. Cette femme est merveilleusement présentée par Didier Blonde. En fait, Cora Sandel n’est autre que le pseudonyme de Sara Fabricius (1880-1974). Née en Norvège, elle a déménagé à Paris entre 1906 et 1921 pour poursuivre sa carrière en peinture, sa première ambition, avant de devenir une romancière célèbre en Scandinavie. En France, seuls Alberte et Jacob (Des femmes-Antoinette Fouque, 1991) et Alberte et la liberté (Presses universitaires de Caen, 2020) ont été traduits. La réalisatrice du documentaire cherche à mettre en parallèle ces trois femmes, Cora, Sara et Alberte, comme si elles étaient trois reflets dans un miroir.
Le narrateur nous dit : « Je me suis de plus en plus attaché à Sara, la jeune Parisienne, la seule réelle et vivante pour moi », c’est celle que Cora Sandel avait dissimulée derrière Alberte. « Je retrouve en elle, un siècle plus tôt, mon goût pour les longues promenades au milieu de la foule ou dans les rues solitaires lorsque les lampadaires s’allument. Connaître ses fragments, dans le désordre, était assez pour composer le portrait dispersé d’un fantôme des rues. »
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