Dans le cadre des élections parlementaires européennes programmées du 6 au 9 juin, nous avons sollicité l’avis de 22 sommeliers de l’Union européenne, souvent lauréats de divers compétitions et de différentes nationalités. Leurs réflexions et points de vue sur trois questions principales : l’importance du vin en Europe pour eux, leurs perspectives sur le vin du futur et leurs préférence pour une bouteille européenne produite en dehors de leurs pays respectifs, sont présentées ici.
Maximilian Wilm, d’Allemagne qui travaille au Restaurant Kinfelts Kitchen & Wine à Hambourg, exprime son avis.
Questionné sur le vin européen, il met en avant l’histoire profuse du vin en Europe. Il explique comment les Romains ont introduit la culture de la vigne sur tout le continent, et comment elle a prospéré au Moyen Age. Pour lui, en Europe, nous continuons à perpétuer ces traditions ancestrales dans nos vignobles, contrairement aux vins « nouveaux mondes » comme ceux des Etats-Unis et de l’Australie. Il trouve qu’il a su marier ses deux amours, l’histoire et le vin, bien qu’il ait envisagé d’être enseignant d’histoire avant de devenir sommelier.
Concernant le vin du futur, Wilm note que plusieurs vignobles européens, dont ceux en France, en Italie et en Allemagne, sont en surproduction depuis deux ans. Il encourage à privilégier la qualité plutôt que la quantité et prône pour une viticulture durable plutôt que biologique, affirmant que cette dernière n’est pas la solution absolue. Selon lui, il faut se préoccuper de la santé de la terre, mais aussi des vignerons qui la cultivent et des domaines qu’ils gèrent.
Enfin, évoquant sa bouteille préférée, il se tourne vers l’île portugaise de Madère, une région viticole ancienne dont les vins peuvent être savourés même lorsqu’ils sont très vieux. Actuellement, il propose dans son restaurant un madère de Blandy’s de 1921. Il aime le servir à ses invités en décrivant cela comme de « l’histoire liquide », ésquissé par un millénaire, un krach et une guerre mondiale. Il regrette que ces vins ne soient pas assez appréciés.
Suvad Zlatic, un Autrichien, est le propriétaire de Suwine, un bar à vin et épicerie situé à Landeck. Il soutient l’idée d’un vin européen, notant que l’Europe est une source riche de divers terroirs, variétés de raisins et de styles de vin. Parmi les vignobles européens, certains sont emblématiques, tandis que d’autres sont moins connus, mais possèdent une forte personnalité, tels ceux de la Grèce, de la Croatie ou de la Slovénie. Une caractéristique commune à tous ces vignobles est le désir ardent des vignerons de mettre en valeur le terroir d’une région ou d’un lot particulier – la Bourgogne étant toujours le modèle à suivre en la matière. En Allemagne et Autriche, l’accent est de plus en plus mis sur ce type de vin, avec une tendance vers des vins plus purs et de meilleure qualité.
En ce qui concerne l’avenir du vin, Zlatic prédit une dominance des cuvées parcellaires, des variétés de raisins autochtones et des vins à faible teneur en alcool. Il souligne également l’importance de la durabilité, en réponse à une demande croissante de vins biologiques, biodynamiques et naturels qui ne sont pas simplement une tendance. De plus, Suvad Zlatic estime que le réchauffement climatique va révéler des terroirs et des régions d’Europe autrefois trop froids pour produire de bons vins. Il prédit une résurgence des variétés de raisins autrefois considérées comme trop acides. Le reste de cet article est réservé aux abonnés.