Pendant longtemps, Khémaïs Ben Lakhdar a rêvé d’être un couturier éclectique et prodigieux, submergé de travail. Il rêvait d’une vie à Paris avec Karl Lagerfeld et Anna Wintour, dit l’actuel chercheur de 30 ans. Son idole était Yves Saint Laurent, son « mentor suprême ». Cependant, après avoir commencé ses études en histoire de l’art à la Sorbonne suite à son baccalauréat, il a commencé à examiner de plus près la mode de son héros et son opinion a commencé à changer.
Il a remarqué comment ce dernier utilisait des pièces orientales comme le caftan, la djellaba ou la blouse roumaine principalement pour se mettre en avant comme un maître du design et un esprit culturel. Ben Lakhdar a également remarqué que Paul Poiret, un des premiers couturiers reconnus, utilisait des gilets chinois ou des manteaux indiens pour leur donner un aspect nouveau et noble.
Peu à peu, il a réalisé que cette tendance était générale : aucune information ne semblait exister sur ces vêtements orientaux ou sur leur histoire, avant qu’un grand couturier occidental ne les adopte. Ce phénomène est une forme d’appropriation culturelle, soutient-il.
Ben Lakhdar explore ce concept controversé dans son premier livre, L’Appropriation culturelle – Histoire, domination et création : aux origines d’un pillage occidental, publié par Stock le 10 avril. Les deux mots, lorsqu’ils sont associés, désignent un emprunt d’éléments esthétiques d’une culture étrangère par une marque occidentale, considérée comme minoritaire ou dominée, sans crédit ni rétribution.
Plusieurs maisons de mode ont été critiquées depuis le début des années 2010 pour leur approche culturellement insensible, de Valentino en 2015 à Gucci en 2018. Valentino a été critiqué pour une collection qui s’inspirait de « l’Afrique sauvage, primitive et tribale » et Gucci a été dénoncé pour avoir fait porter des turbans sikhs à des mannequins blancs. Isabel Marant, qui a utilisé des motifs distinctifs des communautés indigènes du Mexique, a même présenté des excuses publiques en 2020.
Dans son livre, Khémaïs Ben Lakhdar adopte un ton formel pour défier le lecteur. Le livre est concis, érudit et facilement absorbé – tout comme une boisson forte. Il décortique les faiblesses des maisons de mode puissantes, de Dior à Dolce & Gabbana, de manière argumentée et parfois mordante. Il affirme que le rôle d’un historien n’est pas de complimenter les marques de luxe mais de rapporter les faits historiques, complexes, qui peuvent contredire le récit bien ficelé des mythes de la mode.
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