Les violences du 7 octobre 2023 perpétrées par le Hamas en Israël et les répercussions naissantes en bande de Gaza ont provoqué des clivages profonds à l’intérieur de la gauche, notamment aux Etats-Unis mais aussi en France et ailleurs. Une faction du mouvement progressiste est attirée par une défense intransigeante de la cause Palestinienne. La renommée philosophe américaine, Judith Butler a suscité une controverse en affirmant en mars que les attaques de l’organisation islamiste représentent un « acte de résistance ».
Aux États-Unis, une augmentation significative des incidents antisémites a été signalée sur les campus universitaires. Un antisionisme, utilisant le langage des études postcoloniales, largement répandu dans la gauche, attise l’antisémitisme à certains endroits. Comment discerner le bénéfice académique de ces nouvelles méthodologies de leur utilisation militante? Sont-elles utiles pour comprendre la situation en Israël? Qu’est-ce que ces changements nous indiquent au sujet de la gauche?
Pour essayer de répondre à ces interrogations, nous avons convié à un débat Eva Illouz, sociologue Franco-Israélienne et directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, et Derek Penslar, professeur d’histoire juive à Harvard et co-directeur du groupe de travail sur l’antisémitisme au sein de cette université. En août 2023, ils ont cosigné avec plusieurs autres intellectuels Juifs et Israéliens l’article « l’Eléphant dans la pièce ». Le document faisait référence à l’omission du problème Palestinien dans le dialogue Israélien et comparait l’occupation de la Cisjordanie à l’apartheid.
Depuis le 7 octobre 2023, la gauche est en désaccord en raison de la difficulté qu’ont certains à dénoncer fermement l’attaque du Hamas et l’intervention militaire israélienne à Gaza. Quel est votre point de vue sur les débats en cours ? Pouvez-vous expliquer cette division ?
Eva Illouz : Je suis toujours extrêmement choquée par l’indifférence ou même le plaisir avec lequel une partie de la gauche a accueilli les actes criminels contre l’humanité commis par les attaques du Hamas. Il est d’autant plus perturbant de constater que cette réaction émane de milieux intellectuels et académiques. Les victimes israéliennes ont été totalement déshumanisées.
Un tel manque d’empathie est le résultat d’une transformation radicale de la gauche, qui a délaissé ses luttes traditionnelles pour le prolétariat et contre le racisme. Désormais, elle se mobilise plus en faveur du Sud mondial et contre le colonialisme. Elle a surtout changé son orientation : elle a abandonné l’utopie en faveur de la déconstruction et ne cherche plus à développer un projet politique.
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