Assurez-vous d’arriver dès l’ouverture à 16 heures pour éviter une situation similaire à celle de Seinfeld, où la pâtisserie préférée de Jerry Seinfeld est prise par un couple qui arrive juste avant lui. Ils prennent le dernier babka! Dans les années 1990, le public américain a été initié à cette brioche festive, faite à partir des restes de pâte de hallah, un pain traditionnel juif, et habituellement garnie de confiture et de cannelle avant d’être tressée et cuite. Cette brioche est l’équivalent du panettone pour les juifs d’Europe Centrale. Au XXe siècle, la communauté ashkénaze de New York a substitué la confiture par du Nutella dans la recette de babka.
Toutefois, la babka de la boulangerie dite « Pains », qui est une microboulangerie biologique établie en 2022 dans le 19ème arrondissement de Paris, n’utilise pas du Nutella. Elle incorpore à la place un mélange de chocolat noir fondu, beurre de ferme, sucre roux et des noisettes italiennes torréfiées. La pâte à brioche est préparée tôt le matin (car l’établissement ne possède pas de chambre froide) à partir de levain naturel et de farine complète T80. Le temps de fermentation prolongé de la pâte améliore les arômes, ce qui donne à la brioche sa saveur complexe et persistante.
Lorsque les babkas sont retirées du four, une activité qui coïncide avec la sortie des écoles, leur arôme s’épand jusqu’à Melun, une odeur qui pousserait sans doute Jerry Seinfeld à sauter dans le premier vol pour Paris. L’humoriste américain serait frappé par la teinte bistre des babkas françaises, une particularité qui n’est pas encore familière à tous les gourmets (« Vous n’avez rien de blanc ici? », a demandé une dame en regardant par la porte). Il prendrait une bouchée de cette babka, sa texture solide et moelleuse lui rappelant une époque révolue. « J’ai des clientes âgées qui me disent que ma brioche leur évoque leur enfance », confie Vanessa Dezallé, la boulangère, tout en portant son tablier rose enfariné.
Farines moulues sur meule de pierre
Au-dessus d’elle, un exemplaire usé du livre « Notre pain est politique » (éditions de la Dernière Lettre), publié en 2019 par un collectif de meuniers, agriculteurs et boulangers critiquant l’industrie de la boulangerie, se hisse au-dessus du compteur électrique. C’est grâce à ce texte qu’elle a su se reconvertir après avoir été absorbée par le monde des affaires, suite à ses études en sciences économiques et sociales. Inspirée par la réinterprétation moderne des techniques anciennes par une nouvelle génération d’artisans, elle a fait son apprentissage dans un village de néo-ruraux du Minervois, chez un boulanger féministe qui cuit son pain au feu de bois.
Vanessa Dezallé prépare ses propres pains avec les blés anciens en utilisant une combinaison de diverses variétés de cette région, dont le barbu du Roussillon et l’amidonnier bleu, qu’elle écrase à la meule de pierre. Sa tourte de seigle du vendredi est légèrement dense, noire, et légèrement collante, faite à partir de la farine du moulin ancien de Colagne à Chirac, en Lozère. « Je n’ai jamais expérimenté ce goût à Paris », dit-elle. Le tableau des farines exceptionnelles est complété par la châtaigne, le petit épeautre et le khorasan. Tandis que le babka encore chaud ne dure généralement pas le temps du trajet du retour, les pains peuvent être conservés pendant plusieurs jours.
Le Babka est vendu soit en entier soit à la coupe à 32 euros le kilo, et est disponible les mercredis et jeudis chez Pains, situé au 95, rue de Meaux, Paris 19ème. Le magasin ouvre ses portes du lundi au samedi, de 16h à 20h.
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