À seulement une dizaine de jours des élections législatives, une nouvelle Constitution a été adoptée de façon définitive par les députés togolais, le vendredi 19 avril. Cette nouvelle Constitution, qui est fermement contestée par l’opposition, a été approuvée dans la soirée avec unanimement 87 votes favorables. Ce nouvel acte juridique fondamental conduit à une transition de la république du Togo, d’un système présidentiel à un système parlementaire, et élimine l’élection présidentielle directe tout en instaurant la position du président du conseil des ministres qui détiendra la totalité du pouvoir.
Selon le nouveau texte de la Constitution, le poste du président est dépouillé de ses pouvoirs, car le nouveau président sera désormais dépourvu de toute prérogative. Au lieu de cela, les députés éliront le président « sans dialogue » et « pour un mandat de quatre ans renouvelable une seule fois ». La vraie source du pouvoir se trouvera chez le président du conseil des ministres, qui sera nécessairement « le leader du parti majoritaire » à l’Assemblée nationale comme indiqué par le nouveau texte.
L’opposition décrit cette nouvelle fonction comme une stratégie du président Faure Gnassingbé pour se maintenir au pouvoir. Gnassingbé a assumé la fonction de président en 2005 après son père qui a été pendant près de trente-huit ans au contrôle du pays. Il est également le dirigeant du parti majoritaire à l’Assemblée, l’Union pour la République (UNIR).
C’est un « coup d’État institutionnel » comme l’opposition le dénonce.
Nathaniel Olympio, le dirigeant du Parti des Togolais (PT, opposition), a exprimé son opinion selon laquelle le président togolais donne la priorité à la conservation de son pouvoir par tous les moyens nécessaires. Avec la nouvelle législation constitutionnelle, Olympio pense que le rôle du président du conseil semble être conçu pour permettre à une personne d’exercer un pouvoir illimité, ce qui indique clairement que ce poste est destiné au président actuel.
Le président avait déjà apporté des modifications à la Constitution en 2019, ce qui avait ouvert la voie à deux mandats supplémentaires en 2020 et 2025, bien qu’il serait censé quitter le pouvoir en 2030.
Avant le 25 mars, les députés togolais avaient approuvé la nouvelle Constitution sans que le texte ne soit divulgué au public. Cette action a déclenché un tollé immédiat de la part de l’opposition et de la société civile, qui ont qualifié le vote de coup d’État institutionnel.
Pour être officiellement mise en œuvre, la nouvelle Constitution doit encore recevoir l’approbation du président.
La tension monte face aux élections législatives qui se dérouleront peu de temps après ces changements constitutionnels. À l’origine prévues pour le 20 avril, elles ont été repoussées au 29 avril pour permettre aux députés de revoter le texte, comme l’a demandé le président. Pour la première fois dans l’histoire du pays, ces élections auront lieu le même jour que les élections régionales.
A l’inverse de 2018 où elle avait refusé de participer au scrutin législatif, l’opposition a opté pour une mobilisation massive durant cette année. Elle avait initialement planifié deux manifestations pour le 12 et 13 avril, mais elles ont été bloquées par les autorités et l’opposition s’est vue contrainte d’annuler leurs retrouvailles.
Dans une zone marquée par des coups d’État (Mali, Burkina Faso, Niger, Guinée) et des turbulences politiques (Sénégal), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a envoyé une délégation à Lomé ce lundi. Initialement, l’organisation régionale avait mis l’accent sur « l’importance cruciale » de la situation au Togo et sur « l’urgence des réformes constitutionnelles discutées ». Toutefois, le lendemain, elle a réorienté sa position en précisant, dans un communiqué, qu’elle effectuait « un examen préélectoral » et qu’elle « ne s’impliquera pas plus loin, comme indiqué dans une précédente annonce ».
Contribuer »