L’agence nationale de météorologie a observé le 3 avril une poussée spectaculaire de la chaleur dans la ville de Kayes, à l’ouest du Mali, avec une température de 48,5 °C en fin de journée. Cette hausse significative de la température, qui a surpassé le précédent record continental de 48,3 °C détenu par la ville de Karima, au Soudan en 2003, est le reflet de la vague de chaleur intense qui assaille l’Afrique de l’Ouest et le Sahel depuis fin mars. Malgré le fait que cette période marque le commencement de la saison chaude, les températures enregistrées, qui montent souvent au-dessus de 45 °C, sont considérées comme exceptionnelles.
Selon une étude du World Weather Attribution (WWA), publiée le 18 avril, seule l’altération du climat pourrait justifier une telle situation. Créé en 2014, ce regroupement de scientifiques évalue le rapport entre l’augmentation des événements climatiques extrêmes (tempêtes, sécheresses, etc.) et le réchauffement atmosphérique dû à l’usage des énergies fossiles. Le WWA confirme que sans le changement climatique, cette onde de chaleur n’aurait pu exister. Leur analyse se base sur les données des cinq jours consécutifs les plus torrides observés entre le 31 mars et le 4 avril dans le sud du Mali ainsi qu’au Burkina Faso, où des sommets de températures ont également été enregistrés.
D’après une étude menée par des scientifiques, une augmentation significative des températures a été mise en évidence en comparant les conditions climatiques actuelles, caractérisées par une hausse moyenne de 1,2°C, avec celles de la période préindustrielle plus froide. Ils ont établi que dans le sud du Mali et le Burkina Faso, les températures diurnes ont augmenté de 1,5°C et de 2°C la nuit en raison du réchauffement climatique, rendant les conditions insoutenables pour les plus vulnérables. Il est souligné un danger réel pour la santé lorsque les températures nocturnes dépassent les 30°C, puisque le repos et la récupération sont entravés.
L’étude indique qu’une vague de chaleur de cette magnitude peut se produire une fois tous les deux siècles. Toutefois, elle met en garde contre le risque d’une augmentation décuplée de la fréquence dans un contexte de réchauffement climatique global de 2°C, scénario très plausible, avec une accentuation de 1°C des températures extrêmes. Cet examen des effets du réchauffement a également été effectué dans d’autres pays de la ceinture sahélienne tels que la Mauritanie, le Sénégal, le Niger, le Nigéria et le Bénin, où des températures élevées ont également été enregistrées, quoique moins importantes qu’au Burkina Faso et au Mali. Le changement climatique y est encore reconnu comme coupable.
Toutefois, selon l’étude, il y a peu de liens entre la canicule sahélienne et le phénomène climatique naturel El Nino en cours, alors que ses effets sur l’Afrique australe sont clairement identifiés.
L’augmentation extrême de la chaleur est responsable d’une mortalité accrue, un phénomène qui est difficile à mesurer de façon précise, même dans les populations adaptées aux climats secs. Au début du mois d’avril, l’hôpital Gabriel-Touré de Bamako a signalé une augmentation du nombre de décès de personnes âgées de plus de 60 ans, surtout atteintes de maladies chroniques, avec 100 décès survenus entre le premier et le quatrième avril, presque autant que pendant tout le mois d’avril 2023. En raison des conflits en cours, des millions de personnes au Mali et au Burkina Faso sont dans une situation d’urgence humanitaire, rendant ces individus d’autant plus sensibles aux effets du changement climatique.
Dans le Sahel, la chaleur est une réalité inévitable. Cependant, de nombreuses régions ont connu des températures record. Pour certaines personnes, une augmentation de 1,4 °C ou 1,5 °C liée au changement climatique peut sembler faible mais pour certaines, cette chaleur additionnelle a signifié la différence entre la vie et la mort, explique Kiswendsida Guigma, du Centre climatique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge au Burkina Faso, qui a participé à l’étude.
Les recherches réalisées par l’organisation WWA visent à sensibiliser sur les conséquences de la combustion incontrôlée des énergies fossiles. Cependant, ces informations peuvent aussi servir dans le cadre de discussions concernant le financement de l’adaptation au changement climatique entre les pays industrialisés et les pays les plus défavorisés, notamment en Afrique, dont l’impact sur le réchauffement climatique est minime.
Les fonds nécessaires pour faire face aux impacts de la sécheresse ou des inondations ne font qu’augmenter. D’après les chiffres révélés par la Banque Mondiale récemment, les coûts liés aux catastrophes climatiques ont doublé au sein des pays les plus démunis au cours de la dernière décennie. La perte économique attribuée aux phénomènes climatiques constitue en moyenne 1,3% du PIB annuel, soit un montant quatre fois supérieur à la moyenne dans d’autres économies en développement.