Giorgia Meloni, la présidente du conseil italien, a fait de la Tunisie une partie intégrante de sa politique étrangère. Elle a visité le pays pour la quatrième fois en moins d’un an le mercredi 17 avril, où elle a rencontré le président Kaïs Saïed. Meloni, qui était accompagnée d’une large délégation de ministres, est restée à Tunis pour quelques heures seulement avant de partir pour la réunion du Conseil européen à Bruxelles.
Durant cette courte visite, Meloni a annoncé plusieurs initiatives de coopération. Celles-ci comprenaient un soutien direct de 50 millions d’euros au budget de l’Etat tunisien pour améliorer l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, une ligne de crédit de 55 millions d’euros pour soutenir les petites et moyennes entreprises tunisiennes, et un accord-cadre établissant les fondements d’un partenariat dans le secteur universitaire.
Dans une déclaration à la presse à laquelle les journalistes n’ont pas été invités, Meloni a présenté ces accords comme le reflet d’une approche « totalement nouvelle » et « égalitaire », reposant sur l’intérêt commun des nations. Cette démarche fait partie intégrante de sa politique africaine ambitieuse, désormais indissociable de sa stratégie migratoire visant à mettre fin à l’arrivée irrégulière de migrants sur le territoire italien.
Selon une source diplomatique italienne de haut rang, la question migratoire doit être prise en compte dans le cadre d’une approche globale avec nos partenaires africains, en se basant sur les besoins des pays d’origine et de transit. La Tunisie sert ainsi de pays pilote pour la mise en œuvre de cette politique africaine italienne.
Giorgia Meloni a une approche particulière, une combinaison de narration et de discours, qui se diversifie peu à peu à travers diverses visites officielles et accords. Ses idées encapsulent le « plan Mattei pour l’Afrique » qui a été discuté lors du sommet Italie-Afrique les 28 et 29 janvier. Le plan nécessite la collaboration de son gouvernement et de diverses parties prenantes de l’économie italienne. Maria Fantappie, directrice du département Méditerranée, Moyen-Orient et Afrique à l’Istituto Affari Internazionali, explique que le récent voyage de Meloni en Tunisie vise à démontrer la mise en œuvre pratique de son plan et à promouvoir l’image d’une diplomatie active, tant pour ses partenaires internationaux que pour son électorat. La Tunisie est le premier pays où la politique africaine du gouvernement italien a été mise à l’essai, principalement en raison de la relation personnelle entre Meloni et le président Kaïs Saïed.
Saïed, le président tunisien, qui a émis plusieurs avertissements ces derniers temps, insistant sur le fait que son pays ne traitera qu’en égalité avec d’autres nations, semble apprécier le discours de Meloni. Elle est la seule dirigeante européenne avec qui il a un dialogue continu et qui évite délicatement de discuter de son dérapage autoritaire. Lors de la visite, Saïed a salué leur collaboration et exprimé son désir de « renforcer et diversifier les relations de coopération et de partenariat entre les deux pays amis ».
Rome partage la volonté de tirer parti des nombreux avantages que la Tunisie offre. L’Italie envisage de se positionner comme un « hub » énergétique entre les deux côtés de la Méditerranée et, d’ici 2025, prévoit de relier les réseaux électriques des deux pays grâce au câble sous-marin El Med. Cela facilitera l’exploitation du large potentiel d’énergie solaire et éolienne du sud de la Tunisie.
La Tunisie joue également un rôle clé comme canal de transit pour le gaz algérien en direction de l’Italie. En outre, près de 900 entreprises italiennes sont présentes en Tunisie, ce qui en fait un marché significatif pour elles.
En matière d’immigration, alors que les conditions météorologiques favorables du printemps et les prochaines élections européennes en juin suscitent des préoccupations, Giorgia Meloni compte sur la coopération tunisienne. Le but est d’éviter un afflux massif de migrants qui pourrait avoir un impact politique dévastateur sur la campagne. En septembre 2023, des images montrant plus de 10 000 migrants quittant la Tunisie pour atteindre l’île de Lampedusa ont semé la panique parmi les gouvernements européens et ont suscité des questions sur l’efficacité des premières initiatives de la présidente du conseil italien en Tunisie.
Enfin, il convient de noter que de nombreuses violations des droits de l’homme ont été signalées.
Depuis l’incident, la Tunisie a fermement renforcé son contrôle sur ses frontières maritimes, tout en intensifiant la répression contre les réfugiés et expulsant de plus en plus vers les frontières de l’Algérie et de la Libye. Bien que ces expulsions aient entraîné de multiples violations des droits de l’homme, Giorgia Meloni a loué les autorités tunisiennes lors de son discours pour leur travail réalisé et s’est félicitée du résultat de l’accord de « partenariat stratégique global » signé par l’Union européenne et la Tunisie sous sa supervision, le 16 juillet 2023.
Malgré son apparente satisfaction, sa visite survient dans un climat de croissance du nombre de migrants venant des côtes tunisiennes arrivant sur les rivages italiens ces dernières semaines. Bien que ce nombre ait diminué de moitié au cours des quatre premiers mois de 2024 par rapport à l’année précédente, cela montre néanmoins l’instabilité du contrôle des migrations en Tunisie.
Le président tunisien, Kaïs Saïed, a une fois de plus exprimé son refus absolu que son pays devienne « une destination ou une voie de transit pour les migrants clandestins ». Pourtant, à El Amra, une région côtière du centre-est de la Tunisie située à plus d’une centaine de kilomètres de Lampedusa, des milliers de migrants attendent dans des conditions précaires la possibilité de traverser la Méditerranée. Le contrôle des migrations délégué à la Tunisie par le mémorandum de juillet 2023, présenté par Giorgia Meloni lors de sa signature comme « un modèle pour l’établissement de nouvelles relations avec l’Afrique du Nord », semblable à l’accord signé avec l’Egypte et qui sera bientôt signé avec la Mauritanie, semble aujourd’hui précaire.
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