Près de 20 000 individus ont protesté contre la première lecture d’une loi sur « l’influence étrangère » effectuée devant l’Assemblée législative géorgienne à Tbilissi le mercredi 17 avril en soirée. Des centaines de policiers antiémeute étaient face à la foule qui bloquait la principale voie de la capitale. Les protestataires ont ensuite dirigé leurs pas vers les bureaux du premier ministre en demandant sa présence pour entamer une discussion, comme l’a rapporté un correspondant de l’Agence France-Presse. D’autres manifestations similaires ont également eu lieu dans diverses autres villes du pays, y compris à Batoumi, la deuxième ville en importance, d’après l’agence de presse Interpress.
Depuis le début de la semaine, cette loi controversée, qui a surmonté une grande épreuve législative après avoir été approuvée en première lecture par les membres de la majorité du parti Dream of Georgia au pouvoir au cours d’un scrutin boycotté par l’opposition, est à l’origine de nombreux rassemblements populaires. Le projet est considéré comme un frein aux aspirations européennes de cette nation caucasienne car il est assimilé à la loi russe oppressive sur les « agents de l’étranger ».
Deux autres lectures doivent être effectuées, un processus qui pourrait prendre plusieurs semaines, d’autant plus que la présidente géorgienne Salomé Zourabichvili, favorisant l’alliance avec l’Europe et en désaccord avec le gouvernement, pourrait y mettre son veto. Cependant, les législateurs alliés du pouvoir ont la légère majorité requise pour surpasser ce veto.
Les opposants à cette loi estiment qu’elle menace la liberté et qu’elle risque de compromettre le rapprochement entre la Géorgie, une ancienne république soviétique, et l’Union Européenne. Ils voient dans ce texte une ressemblance avec la loi russe sur les « agents étrangers » mise en place par le Kremlin depuis 2014 pour réprimer les dissidents, les ONG et les médias indépendants selon ces critiques.
La situation en Géorgie est préoccupante car le gouvernement semble se rapprocher de la Russie tout en s’éloignant de l’Europe, engendrant ainsi des tensions dans la population. Une manifestante nommée Makvala Naskidachvili, âgée de 88 ans, note avec optimisme l’unité manifeste parmi les jeunes, eux-mêmes très attachés à leur identité européenne et déterminés à ne pas perdre leurs aspirations européennes. Dans ce contexte compliqué, des manifestations ont eu lieu et la police antiémeute a réprimé ces émeutes, mettant en avant des actions de brutalité et d’arrestation contre certains manifestants. Les médias géorgiens ont également déclaré avoir été victimes de mauvais traitements de la part des forces de l’ordre.
Un projet de loi qui pourrait voir les organisations recevant plus de 20% de leur financement de sources étrangères obligées de s’enregistrer en tant qu' »organisations travaillant dans l’intérêt d’une puissance étrangère » est également en cours d’examen. En cas de non-respect, ces organisations seront sanctionnées par des amendes.
L’Union européenne (UE), qui a accordé le statut de candidat à la Géorgie en décembre, a appelé à l’abandon du projet de loi. Selon l’UE, ce dernier irait à l’encontre du programme de réformes exigé pour l’adhésion de la Géorgie. Les responsables de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell et Oliver Varhelyi, ont exprimé leur inquiétude quant au vote du projet de loi, indiquant que son adoption finale pourrait nuire aux aspirations européennes de la Géorgie car elle n’est pas conforme aux valeurs de l’UE. Les États-Unis ont également exprimé des préoccupations similaires.
Le gouvernement géorgien justifie ces actions par le besoin de « transparence ».
Le texte législatif proposé par le gouvernement géorgien est présenté comme une mesure visant à garantir une transparence accrue concernant le financement des organisations. C’est ce qu’assure le Premier ministre, Irakli Kobakhidze, qui est à la base de cette proposition. Kobakhidze a reproché à certains groupes de la société civile de chercher à impliquer la Géorgie dans le conflit en Ukraine et de vouloir provoquer une révolution. Malgré cela, il reste résolument tourné vers l’Europe, revendiquant haut et fort l’adhésion de la Géorgie à l’OTAN et à l’Union européenne comme objectif principal.
Cela dit, cette vision ne fait pas l’unanimité. En effet, la présidente Zourabichvili a critiqué le texte législatif, le considérant contreproductif et contraire à la volonté populaire. Elle y voit une provocation et une stratégie de déstabilisation de la part de la Russie.
La proposition de loi a également suscité des débats houleux au parlement, aboutissant même à une bagarre entre députés de la majorité et de l’opposition. Un premier projet de loi similaire avait dû être abandonné en mars 2023, suite à d’importantes manifestations qui avaient été réprimées par les forces de l’ordre.
Le projet est attendu avec beaucoup d’attention, notamment en prévision des élections législatives prévues en octobre, qui seront un véritable test pour le gouvernement.
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