Le mercredi 17 avril, le journaliste tunisien Mohamed Boughalleb, connu pour ses critiques acerbes envers le président Kaïs Saïed, a été condamné à six mois de prison ferme par un tribunal tunisien, selon ce qu’a informé l’Agence France-Presse par le biais de son avocat et frère, Mounir Boughalleb. Mohamed Boughalleb a été interpellé le 22 mars suite à une accusation de diffamation émise par une directrice de service du ministère des affaires religieuses. Elle lui reprochait d’avoir porté préjudice à son honneur et à sa réputation sur les réseaux sociaux et dans la presse.
Mohamed Boughalleb, figure renommée du journalisme audiovisuel, avait publié sur sa page Facebook et sur une radio privée, des interrogations concernant l’utilité des voyages à l’étranger de cette fonctionnaire avec le ministre des affaires religieuses. Il avait dénoncé une « corruption et un gaspillage de l’argent public ».
Lors d’une première audience la semaine précédente, il était absent pour des problèmes de santé. Le journaliste, souffrant de diabète et de troubles cardiaques, s’est présenté devant le juge le mercredi. Jalel Hammami, un de ses avocats, dit que « Ce qui arrive à Mohamed Boughalleb est une honte. Il est puni pour avoir fait usage de sa liberté d’expression ». Selon un autre défenseur de Boughalleb, Mohamed Abbou, avocat et ancien ministre, « le procureur général a mis en exécution des ordres politiques ».
Zied Dabbar, le président du Syndicat national des journalistes tunisiens, qualifie cette affaire comme « une nouvelle tentative d’intimider les journalistes et de les réduire au silence en utilisant les mécanismes de l’Etat ».
L’arrestation de Mohamed Boughalleb sonne alarmante. Cela valide que le gouvernement tunisien n’autorise plus les journalistes à exécuter efficacement leur métier, tout en posant des interrogations pertinentes sur la gestion des fonds publics par les politiques », se désole Khaled Drareni, le représentant de Reporters sans frontières (RSF) pour l’Afrique du Nord. Drareni dénonce une « régression effrayante de la liberté de la presse » et précise que « l’utilisation croissante de l’emprisonnement pose une menace flagrante pour ceux qui remplissent fidèlement leur fonction de journaliste ».
Boughalleb est réputé pour ses remontrances à l’égard des politiciens, incluant le président Saïed, ainsi que pour ses enquêtes sur diverses affaires de corruption. D’après le SNJT, environ une vingtaine de journalistes sont actuellement soumis à des poursuites judiciaires. Des organisations non-gouvernementales locales et internationales ont averti d’une régression des libertés en Tunisie depuis que le président Saïed s’est attribué tous les pouvoirs le 25 juillet 2021.