Li Gongjing, responsable des crimes économiques au Bureau de la sécurité publique de Shanghai, avait fait une comparaison frappante lorsqu’il s’exprimait au magazine Xinmin en 2014 : « Un fugitif est semblable à un cerf-volant. Bien qu’il puisse être à l’étranger, le fil est toujours contrôlé depuis la Chine. On peut toujours l’influencer via sa famille. » C’était le moment où la Chine avait déclenché l’opération « Chasse aux renards » qui visait à rapatrier les fugitifs chinois par tous les moyens possibles : intimidation, pression sur les membres de la famille restés en Chine et parfois même intervention directe des agents chinois envoyés en mission à l’étranger pour « convaincre » les fugitifs de revenir. Dans certains cas, ces agents organisent des enlèvements, une action totalement assumée par les autorités.
Il est à noter que, bien que certains pays collaborent avec la Chine, directement ou indirectement via Interpol, la majorité des interventions se déroulent en dehors de tout cadre juridique. Selon la Commission centrale pour l’inspection de la discipline (CCDI) du Parti communiste chinois, en l’espace de dix ans, l’opération a permis le rapatriement forcé de 12 000 fugitifs depuis 120 pays. Le 16 avril, l’ONG Safeguard Defenders, basée à Madrid, a publié un rapport qui dresse un bilan de dix années de cette campagne, rebaptisée « Sky Net » (« filet du ciel ») en 2015. Il examine 283 cas de rapatriements forcés, dont quatre depuis la France.
Commencée un peu plus d’une année après l’élection du chef d’État Xi Jinping, cette campagne correspond à un grand effort de lutte contre la corruption. L’objectif initial était de rapatrier des fonctionnaires corrompus, surnommés les « renards ». Néanmoins, l’opération coïncide avec l’ascension de la Chine comme acteur clé sur la scène internationale, imposant par conséquent, pour la capitale chinoise, un contrôle accru sur les actions de ses citoyens à l’étranger. En réalité, ces pratiques touchent aussi les dissidents politiques ou de simples proches de victimes qui critiquent la manière dont leur famille en Chine est traitée.
La communauté ouïgoure en exil est particulièrement affectée. Le rapport se focalise sur le cas de cette communauté qui vit en Turquie : « Sur la base des informations recueillies sur les Ouïgours résidant en Turquie et de leur peur pour la sécurité de leur famille restée en Chine, les autorités chinoises les forcent ou les intimidant pour interrompre leur militantisme, faire la propagande chinoise et/ou espionner d’autres Ouïgours en Turquie. » En plus de ces intimidations, les agents ont la possibilité d’offrir des récompenses comme de l’argent, ou la chance de revoir les membres de leur famille en Chine.
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