Lisez tous nos articles, reportages et analyses sur la situation conflictuelle en Ukraine. « Le Monde » vous offre des décryptages et analyses. Alors que l’Ukraine est en crise, Washington hésite. La Russie tente de paralyser l’Ukraine en ciblant et détruisant ses infrastructures énergétiques. Découvrez l’histoire unique de Stanislav Skrinnik, un danseur de ballet la nuit et un fournisseur d’équipement pour l’armée ukrainienne le jour. Pour les jeux de Paris 2024, le monde sportif en Russie est déchiré sur la question de participer ou non. Pourquoi la flotte russe de la mer Noire est-elle si vulnérable ? La protestation des familles de soldats en Ukraine est palpable suite au retrait du décret de démobilisation d’une loi visant à mobiliser de nouvelles troupes. La mort en prison d’Alexandre Demidenko, un russe qui aidait les Ukrainiens à retourner dans leur pays. En Ukraine, les soldats sont confrontés aux pièges des applications de rencontres. Quel est le coût environnemental des guerres ? Nous répondons à vos questions courantes. Comment les drones sont-ils utilisés par Moscou et Kiev ? La guerre des drones entre la Russie et l’Ukraine s’intensifie depuis plusieurs mois selon un rapport britannique spécialisé en défense. Les Ukrainiens perdent environ 10 000 drones par mois sur le champ de bataille, soit plus de 300 par jour. Contrairement à cela, les arsenaux de l’armée française comptent un peu plus de 3000 drones. Les Ukrainiens et les Russes recourent principalement à des petits véhicules aériens sans pilote d’origine civile, qui sont bon marché et largement disponibles. Ils sont utilisés pour surveiller le champ de bataille et guider les troupes ou les tirs d’artillerie. Certains sont modifiés pour pouvoir transporter de petites charges explosives qui sont larguées sur des tranchées ou des véhicules blindés.
Les drones-kamikazes, bien que moins nombreux, sont également d’une grande importance stratégique. Ces UAVs sont équipés d’explosifs et lancés sur le front sans objectif préalablement défini. Les Russes utilisent leurs propres drones comme le Lancet-3, mais aussi des modèles Shahed-136 de fabrication iranienne. Malgré l’absence d’une armée navale robuste, l’Ukraine riposte avec des véhicules maritimes non pilotés, comme de petits kayaks téléguidés chargés d’explosifs (450 kilos de TNT).
La preuve de l’importance des drones dans leurs opérations militaires se voit par la façon dont les Russes et les Ukrainiens se sont organisés pour entretenir leurs troupes sur le long terme. Ils achètent des drones civils en masse sur le marché et développent leurs propres capacités de production. Alors qu’elle était initialement balbutiante lors de l’éclatement de la guerre en Donbass il y a dix ans, l’industrie ukrainienne a depuis gagné en solidité. En fin août, le ministre de la transformation numérique ukrainien a annoncé la création d’un drone similaire au Lancet russe qui serait bientôt lancé sous le nom de Peroun, le dieu slave de la foudre et du tonnerre.
Face aux sanctions occidentales qui restreignent son accès aux composants électroniques, la Russie fait face à des difficultés. Pourtant, selon le renseignement américain, Moscou aurait commencé la construction d’une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga pour produire des drones kamikazes de conception iranienne tels que le Shahed-136.
Quant à l’état des stocks de missiles russes, il est extrêmement difficile, voire impossible, d’en déterminer la quantité exacte. Les services de renseignement ukrainiens fournissent régulièrement des informations sur le sujet, mais leurs estimations sont souvent sujettes à caution.
D’après les déclarations d’Andri Ioussov, représentant du Service de Renseignement Général du Département de la Défense, cité par Liga.net, les forces russes détenaient environ 2 300 missiles balistiques et de croisière avant le conflit, et conservaient plus de 900 de ces armes au début de l’année. A ce chiffre, s’ajoutent des milliers de missiles antiaériens S-300, capables de frapper à une distance approximative de 120 kilomètres, ainsi qu’une quantité notable de S-400, une version plus récente avec une portée triplée.
En août dernier, Vadym Skibitsky, adjoint du GUR, estimait le nombre de missiles à plus de 500 kilomètres de portée à 585. S’agissant des capacités de production, divers experts estiment qu’elles se situeraient autour de la production de cent missiles balistiques ou de croisière par mois. En octobre dernier, le GUR estimait cette production à 115 articles.
Il semblerait que la Russie ait également acheté des missiles de courte portée en Iran et en Corée du Nord, et continue à s’approvisionner. D’après l’agence Reuters, qui cite plusieurs sources iraniennes, environ 400 missiles iraniens de type Fateh-110 (portée de 300 à 700 kilomètres) auraient été envoyés depuis janvier, moment où un accord aurait été conclu. On ne sait pas combien de missiles nord-coréens la Russie a obtenu, cependant, 24 ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, selon le procureur général, Andriy Kostin. Selon des spécialistes qui ont étudié les résidus et les trajectoires, ils seraient probablement des KN-23 et KN-24, avec une portée d’environ 400 kilomètres.
Et qu’en est-il des avions de combat F-16 ?
En réponse à une requête de longue date du président ukrainien, les États-Unis ont autorisé, en août 2023, le transfert de chasseurs F-16 à l’Ukraine. Il existe une flotte potentielle de plus de 300 F-16 dans neuf pays européens – incluant notamment la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal – mais tous ne sont pas prêts à céder ces avions immédiatement.
Le président Volodymyr Zelensky avait mentionné un chiffre de 42 F-16 promis par ses alliés occidentaux à Kiev, cependant cette information n’a pas été vérifiée. Selon la première ministre danoise, Mette Frederiksen, le Danemark s’est engagé à en fournir 19. Les six premiers ne devaient pas être livrés avant la fin de l’année 2023, suivis par huit autres en 2024 et cinq en 2025. Les Pays-Bas se sont également engagés à en fournir, ils possèdent 42 unités mais n’ont pas spécifié combien ils prévoyaient d’en céder.
De plus, les pilotes ukrainiens doivent recevoir une formation pour manœuvrer ces avions de combat américains. Onze pays alliés de Kiev se sont engagés à former ces pilotes. L’OTAN a prédit que les soldats ukrainiens ne seraient prêts à utiliser ces avions en combat qu’au début de l’année 2024, tandis que d’autres experts estiment que ce ne sera pas avant l’été de la même année.
Quel type de soutien militaire les alliés de Kiev apportent-ils ?
Deux années après l’escalade du conflit, l’appui occidental à Kiev s’affaiblit. L’assistance qui a été récemment mise en place a diminué entre août 2023 et janvier 2024, comparativement à la même période de l’année antérieure, d’après le rapport le plus récent de l’Institut Kiel, diffusé en février 2024. Cette chute pourrait continuer, vu les difficultés du Sénat américain d’approuver des assistances, et l’Union Européenne (UE) ayant eu des problèmes pour adopter une aide de 50 milliards le 1er février 2024, à cause de l’opposition hongroise. Il est à souligner, que ces deux paquets d’assistance ne sont pas encore inclus dans le bilan final effectué par l’Institut Kiel, qui se termine en janvier 2024.
Les chiffres provenant de l’institut allemand démontrent que le nombre de donateurs diminue et se rassemble autour d’un groupe de nations : les Etats-Unis, l’Allemagne, les pays du nord et de l’est de l’Europe, qui s’engagent à offrir une aide financière conséquente ainsi que des armements de pointe. Au total, depuis février 2022, les pays supportant Kiev se sont engagés à fournir au moins 276 milliards d’euros pour le plan militaire, financier ou humanitaire.
En termes absolus, les pays les plus aisés ont été les plus généreux. Les Etats-Unis sont les plus grands donateurs, avec une assistance déclarée de plus de 75 milliards d’euros, dont 46,3 milliards sont dédiés à l’aide militaire. Les pays de l’Union européenne ont annoncé des aides à la fois bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides collectives provenant des fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), pour un total de 158,1 milliards d’euros.
Quand on compare ces contributions par rapport au produit intérieur brut (PIB) des pays donateurs, on observe des changements dans le classement. Les États-Unis chutent à la vingtième position (0,32 % de leur PIB), loin derrière des pays proches de l’Ukraine ou d’anciennes républiques soviétiques alliées. L’Estonie arrive en tête en termes d’aides proportionnelles au PIB avec 3,55 %, suivie par le Danemark (2,41 %) et la Norvège (1,72 %). Les deux places restantes du top 5 sont prises par la Lituanie (1,54 %) et la Lettonie (1,15 %). Les trois États baltes, qui partagent tous des frontières avec la Russie ou son partenaire la Biélorussie, sont parmi les donateurs les plus généreux depuis le début du conflit.
En fonction du pourcentage du PIB, la France se positionne à la vingt-septième place, ayant contribué avec 0,07 % de son PIB, juste après la Grèce (0,09 %). L’aide de la France a progressivement diminué depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie – la France occupait la vingt-quatrième place en avril 2023, et la treizième en été 2022.
Que savons-nous des tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne ?
Les tensions entre l’Ukraine et la Pologne sont palpables depuis plusieurs mois, due principalement au transit de céréales ukrainiennes. Au printemps 2022, l’Union européenne a mis en œuvre des « voies de solidarité » pour faciliter l’exportation et la vente de produits agricoles ukrainiens sans tarifs douaniers vers l’Afrique et le Moyen-Orient. La Fondation Farm, une organisation axée sur les questions agricoles mondiales, a révélé que près de la moitié des céréales ukrainiennes transitent ou finissent leur voyage au sein de l’UE.
Ces céréales sont proposées à un prix nettement inférieur au blé produit en UE, en particulier dans les pays de l’Europe centrale. Cela a poussé la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie à bloquer leurs importations en avril 2023, arguant que ces céréales destabilisent leur marché local et les revenus de leurs agriculteurs. Bruxelles a accepté cet embargo à condition qu’il ne bloque pas le transit vers d’autres pays et qu’il ne dure que quatre mois.
Cependant, estimant que le problème sous-jacent n’était pas résolu, Varsovie a refusé de rouvrir sa frontière aux céréales ukrainiennes à la fin de l’été. Ce qui pour Bruxelles, n’était plus justifié puisque leurs analyses ont démontré qu’il n’y avait plus de distorsion des marchés nationaux pour les céréales.
Les protestataires agricoles de la Pologne ont mis en place un barrage à la frontière entre l’Ukraine et leur nation dans l’objectif de stopper l’entrée des camions ukrainiens. Ils demandent une interdiction totale des marchandises agroalimentaires ukrainiennes, soulignant l’augmentation de leurs frais de production conjuguée à la saturation des silos et des magasins tout en faisant face à des prix extrêmement bas. Le président ukrainien, au début de 2024, a exprimé que le blocus de la frontière avec la Pologne était une preuve de la « dégradation de la solidarité » envers son pays et a sollicité des discussions avec la Pologne. Il a ajouté que seul le côté russe pourrait être ravi de ces frictions, critiquant la « montée de slogans franchement pro-Poutine ».