Ayant vu le jour en Egypte dans les années 1920, le salafisme a, en quelques décennies, brillé comme une force essentiellement dominante dans le domaine religieux. Selon Stéphane Lacroix, professeur associé à Sciences Po, cette évolution necéssaire du salafisme représente une lacune notable dans l’histoire de l’Egypte au cours du siècle dernier.
Stéphane Lacroix, d’abord reconnu comme un expert de l’islamisme en Arabie saoudite (comme exposé dans son ouvrage Les Islamistes saoudiens. Une insurrection manquée, PUF, 2010), est un chercheur affilié au Centre de recherches internationales et co-dirige la chaire d’études sur le fait religieux. Il a consacré une partie de son temps en Egypte dans la période entre 2010 et 2013 et a ensuite mené des interviews de 2014 à 2017. Son ouvrage Le Crépuscule des saints. Histoire et politique du salafisme en Egypte (CNRS Editions, 424 pages, 26 euros) offre une opportunité précieuse pour comprendre l’évolution d’un mouvement religieux complexe qui a non seulement dispersé l’Egypte mais aussi l’ensemble du monde musulman.
Questionné sur pourquoi il avait décidé de réorienter ses recherches du sujet de l’islamisme en Arabie saoudite à celui du salafisme en Egypte, Stéphane a déclaré que l’Arabie saoudite est la source originelle du salafisme. Après avoir étudié ses débuts, il voulait saisir les mécanismes d’expansion et les transitions une fois que le mouvement prend racine dans un nouvel contexte, et l’Egypte lui a semblé être vitale sous deux aspects.
Premièrement, ceux qui ont visité l’Égypte dans les années 2000 n’ont pas pu ignorer l’influence prédominante de cette tendance dans l’espace public. Cela était d’autant plus notable car l’Égypte est une terre d’Islam traditionnellement opposée au salafisme : l’Islam d’Al-Azhar, du nom de la grande institution d’apprentissage du Caire, considérée comme l’autorité suprême du sunnisme, est une forme d’islam incluant le courant acharite, une école théologique sunnite fondée par Abou Hassan Al-Achari au IXe siècle, qui admet la libre pensée et intègre une certaine dose de soufisme, un courant mystique de l’islam.
L’exemple égyptien est édifiant, car il met en évidence un changement qui affecte pénétré l’ensemble du monde musulman. Au cours du XXe siècle, la propagation du salafisme a transformé en profondeur le phénomène religieux dans toute la région, modifiant ses règles, ses pratiques et ses philosophies.
Mais comment peut-on caractériser ce courant complexe qu’est le salafisme ?
Le terme salafisme provient du mot « salaf » qui veut dire « ancêtre » et il représente à la fois un idéal et un ensemble de règles, tous deux centrés autour d’une unique obsession : la pureté. Son influenceur, Ibn Abd Al-Wahhab, le fondateur du mouvement wahhabite qui est à la base de l’État saoudien, avait pour objectif de ramener l’Islam à son authenticité originale. Ce prédicateur a fait revivre Ibn Taymiyya, un théologien de l’école hanbalite, la plus stricte d’entre toutes, qui avait été oublié pendant quatre siècles et qui est maintenant le plus mentionné dans le monde sunnite.
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