Il était inévitable que cela se produise. Avec la première génération presque adulte, qui a fréquenté les psychologues dès le plus jeune âge, qui a été instruite sur la santé mentale via TikTok et dont les parents ont visionné en rafale la série « En thérapie », une ère nouvelle s’ouvre pour la jeunesse. Les jeunes ont désormais adopté le jargon du développement personnel et sont capables de diagnostiquer leur famille, leurs amis, leurs professeurs et bien sûr eux-mêmes. Leurs parents n’ont plus à acheter des livres sur la psychologie, car leurs enfants sont là pour leur expliquer. Depuis que la question de la santé mentale est devenue une préoccupation majeure parmi les jeunes, toute son terminologie a imprégné leur langage, et à présent, ils sont souvent amenés à jouer les interprètes pour leurs aînés.
À quoi les reconnaît-on? Ils ont été chez le psy depuis leur enfance. Ils parlent facilement de « bienveillance » et de « reconnaissance », ils disent « mettre en mots » et « accueillir la parole ». Leurs parents sont plus habiles à s’autodiagnostiquer une lombalgie ou une sciatique grâce à Doctissimo qu’à identifier l’anxiété ou l’hypersensibilité, des sujets sur lesquels leurs enfants peuvent les éclairer. Les adolescents sont maintenant chargés d’expliquer à leurs aînés que l’adolescence est une période de grand bouleversement hormonal (« Je suis en train de m’émanciper et j’ai besoin de rompre avec vous »).
Les mères sont sidérées de voir leurs enfants rechercher sur internet les maladies mentales dont ils pourraient souffrir, suite aux tests d’astrocompatibilité réalésés dans des magazines pour femmes. Ces derniers utilisent souvent des termes anglais pour se référer à leurs problèmes tels que « mes problèmes de santé mentale » ou « mon bien-être ». Ils se donnent aussi des exercices à réaliser dans des cahiers à compléter. Ils affirment souvent que leur enseignant en maths est bipolaire, contrairement à leurs parents qui considèrent leur supérieur comme un pervers narcissique. Les enfants ont l’impression d’être les premiers à identifier certains problèmes familiaux existant depuis longtemps. Une fois les enfants endormis, les parents s’empressent de chercher en ligne pour vérifier si ce que leurs enfants disent est correct et comprendre le sens de ces nouveaux mots et maux.
Voici quelques phrases typiques qu’ils disent : « Tu sais que je suis adolescente et que mes hormones rendent ma sensibilité excessive », « Papa, as-tu pensé à discuter de ce problème lors d’une séance de thérapie familiale ? », « Je pense que notre enseignante d’anglais est dépressive », « Je suis au bord de l’épuisement », « J’ai trouvé un site où je pourrais passer un test pour vérifier si je suis hypersensible. Devrais-je le faire ? », « À cause du devoir en maths, je suis complètement surchargé mentalement », « Maman, tu ne peux pas me parler comme ça, tu détruis ma confiance en moi », « Nous, les personnes à haut potentiel, n’aimons pas montrer affectivement ».
Pour terminer: « Les cours de droit ne m’ont jamais captivé », « J’ai besoin d’un peu de temps pour moi », « Ce n’est pas à toi de le dire », et « 80 euros pour un psychologue… donnez-les-moi ».
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