L’opposition par le Sénat à l’accord global de commerce et d’économie (CETA) entre l’Union européenne (UE) et le Canada était anticipée depuis longtemps. Considéré à la fois comme insignifiant sur le plan économique et néfaste pour l’environnement, le CETA a provoqué de multiples résistances en Europe depuis une décennie. Toutefois, la France et l’UE ont un besoin crucial de relations fortes sur la scène internationale. Après un tel affront, elles doivent urgemment concevoir d’autres formes d’alliances. En tant qu’hôtes de l’accord de Paris sur le climat et du cadre global pour la biodiversité de Kunming à Montréal, la France et le Canada auraient avantage à définir conjointement les lignes d’un partenariat économique novateur, visant à réduire spécifiquement les échanges de biens et de services incompatibles avec ces accords environnementaux multilatéraux.
Le vote sénatorial marque un quadruple revers de la politique commerciale européenne. Un échec démocratique : les discussions se sont déroulées en toute discrétion entre 2009 et 2014, sans la possibilité pour les parties concernées d’influencer le contenu du futur accord. Ensuite, le processus de ratification était kafkaïen : certains parlements nationaux ont été contraints de voter sur la ratification du texte plus de six ans après le début de son application temporaire !
Un échec écologique : la politique de libéralisation des échanges, sans égard à leur impact sur l’environnement, encourage notamment les exportations européennes de pesticides interdits au sein de l’UE et les importations de produits agricoles canadiens traités avec ces mêmes substances. De plus, le Canada a fréquemment utilisé les mécanismes de « dialogue » mis en place par l’accord pour essayer d’empêcher ou de ralentir l’implémentation des réformes du Green Deal, telles que le règlement sur la déforestation importée.
L’accord économique n’a pas réussi à avoir un impact significatif visible sur le volume des échanges. Entre 2017 et 2022, les exportations de l’Europe vers le Canada ont connu une augmentation minuscule de 0,7 %, comparativement à une hausse de 34 % durant les cinq années précédentes. Les industries qui ont vu la plus grande évolution sont celles qui polluent le plus, comme celles des combustibles fossiles, des engrais, des produits en plastique, des véhicules, des produits chimiques, du fer, de l’acier, de l’aluminium, du nickel, des transports et du tourisme.
Cette situation génère une opposition continue. Les intérêts des grandes entreprises ont pris le dessus sur l’intérêt général. Selon Mark Camilleri, président du groupement Canada-UE pour le commerce et les investissements et membre de l’équipe de négociation du CETA, les procédures de dialogue et de coopération réglementaire « permettent aux entreprises canadiennes de maximiser leurs bénéfices du CETA en participant au processus décisionnel au sein de l’UE ». En cas de ratification totale, les investisseurs étrangers disposeraient d’un moyen de contestation contre les États lorsqu’ils adoptent des politiques nuisibles à leurs intérêts, y compris leurs activités relatives aux combustibles fossiles. Ce mode d’arbitrage d’investissement a été jugé à la fois inutile et dangereux par les experts commis par le Premier ministre en 2017. C’est précisément pour cette raison que la France a récemment quitté l’accord sur la charte de l’énergie.
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