Dans la langue swahili, on les nomme « dawa », signifiant médicament. Cependant, les pesticides utilisés dans la culture des fruits et légumes en milieu rural au Kenya sont loin d’être reconnus comme étant bénéfiques pour la santé des producteurs agricoles. Comme le décrit Mary Wambui, une agricultrice de Gichonjo située dans le comté de Kirinyaga, une région au centre du Kenya dominée par le mont Kenya, « certains de ces produits provoquent des picotements dans le nez rendant la respiration difficile ».
Sur les contreforts de cet ancien volcan, l’agriculture est la principale activité. Des milliers de petits producteurs cultivent à la fois pour nourrir la population locale (maïs, choux, pommes de terre, tomates) et pour l’exportation (café, thé, haricots verts, pois, etc.).
Ces terres, tout en étant fertiles et bénéficiant d’un climat favorable, voient leur productivité menacée par une multitude de nuisibles, un phénomène courant dans les zones tropicales. Alors, une pratique courante, le « pulvérisation », intervient régulièrement. « Et chaque fois que cela touche la peau, des démangeaisons apparaissent, et c’est la même chose pour les yeux », commente Alexander Njogu, un voisin, soulignant ses propos en frottant son bras et en montrant ses yeux rougis.
Même si les quantités de pesticides utilisées par hectare sont relativement faibles par rapport à l’Europe, la proportion de produits toxiques est beaucoup plus élevée au Kenya. Selon une étude menée en septembre 2023 par la Fondation Heinrich Böll, proche des Verts allemands, 76 % des pesticides utilisés sont classés comme « hautement dangereux » pour la santé humaine et l’environnement. De ce pourcentage, près de la moitié (44 %) est interdite dans l’Union européenne (UE).
Le problème est bien identifié au plus haut niveau de l’Etat dans ce pays d’Afrique de l’Est, qui est le moteur économique de sa région. Gladys Shollei, vice-présidente de l’Assemblée nationale, qui depuis longtemps milite sur cette question, a une fois de plus insisté sur la nécessité de limiter l’utilisation de certains produits. Bien que quelques substances aient été interdites dans les dernières années, bon nombre d’entre elles, considérées comme cancérigènes, restent légales. En 2023, Kephis, l’organisme public d’inspection phytosanitaire, avait ouvert une enquête sur le rôle possible de ces produits chimiques dans l’augmentation de cas de cancer à proximité du mont Kenya.
La majorité des producteurs kényans sont de petits agriculteurs, en contraste avec quelques grandes exploitations modernes et standardisées. Ces agriculteurs se servent de ces substances toxiques sans protection adéquate. Le long des routes de terre, il est courant de les voir, avec un pulvérisateur de 20 litres porté sur le dos, pulvériser leur terre en portant simplement un tee-shirt, sans protection ni masque. Seul un fermier sur six utilise des équipements de protection, selon la Fondation Heinrich Böll.
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