Dans l’incubateur Agoranov situé sur le boulevard Raspail à Paris, Elise Mekkaoui, 26 ans, a du mal à croire la nouvelle récente. Elle et ses partenaires ont travaillé dans cet espace pendant six mois. Sa start-up fait maintenant partie des treize entreprises de femmes sélectionnées pour un programme de soutien en 2024 à Station F, un vaste campus de start-ups fondé par Xavier Niel, qui est également actionnaire individuel du Monde.
Elise a impressionné le jury avec son idée d’utiliser l’intelligence artificielle pour faciliter le diagnostic de l’endométriose. Son initiative cherche à renforcer la présence féminine dans le domaine tech, fortement dominé par les hommes. Elle vise à approfondir la connaissance limitée de cette maladie : « Le diagnostic de l’endométriose est compliqué par la complexité de l’analyse d’images IRM. Nous aspirons à accélérer et à fiabiliser ce processus pour optimiser le traitement. C’est crucial car l’endométriose, en plus de causer de la douleur, est la cause de nombreux cas d’infertilité », explique Elise.
Elise Mekkaoui est précise et confiante, elle utilise un jargon rempli d’anglicismes typiques à l’univers startup. Elle affirme avec amusement, « J’ai tout appris sur le terrain ». Elle n’est ni médecin, ni analyste de données, encore moins une entrepreneuse accomplie. Cependant, sa passion pour les mathématiques l’avait déjà conduite à envisager les écoles d’ingénieurs après sa Classe Préparatoire aux Grandes Écoles (CPGE) en MPSI au lycée Saint-Louis à Paris, lorsqu’elle avait 20 ans. Elle est guidée par ses valeurs dans ce qu’elle entreprend.
Bien qu’elle ait manqué les concours, sa déception s’est transformée en opportunité: elle a rejoint un prestigieux établissement de commerce, l’Edhec, et a poursuivi son parcours académique en double master d’analyse de données à l’Université de Maastricht. « J’ai vécu l’échec, donc je ne le crains plus », exprime-t-elle. Pendant longtemps, Elise Mekkaoui a projeté d’exploiter ses talents au profit de l’État, en optant pour des stages en conseil public et à l’Inspection générale des finances, où elle aidait des entreprises à faible empreinte écologique. « J’étais plus intéressée par la signification de mon travail que par le gain financier, » admet-elle. Même si elle modère ses propos actuellement, elle garde l’ambition d’agir conformément à ses convictions, qu’elle décrit comme « très à gauche ».
Cet engagement lui a été transmis par ses parents, tous deux dévoués au service public : Elise Mekkaoui, née en 1997 d’un père qui est directeur technique d’hôpital et d’une mère professeure de français, a grandi à Meaux (Seine-et-Marne), à une distance de 55 kilomètres de la capitale. Adolescente, comme beaucoup d’autres jeunes de la grande couronne, Elise Mekkaoui aspirait à vivre à Paris. Étudiante brillante, elle réalisa vite que sa liberté passerait par la sagesse: « Même au collège, je ne commettais pas d’erreurs », se souvient-elle. Malgré tout, elle n’acceptait pas la passivité et s’interrogeait sur les inégalités dès son jeune âge. Elle ne tolérait pas les traitements de faveur et allait jusqu’à boycotter les goûters réservés aux meilleurs élèves organisés par la directrice de son collège. Elise Mekkaoui rit en racontant cette histoire, estimant qu’elle est un peu absurde, mais prend conscience que son éveil politique a commencé avec ce premier acte de rébellion.
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