Pour une deuxième fois en sept jours, jeudi 11 avril, les communiqués de l’Agenzia Giornalistica Italiana (AGI), l’une des principales agences de presse en Italie, ne sont pas apparus dans le fil de nouvelles des médias italiens. Les employés de l’agence se sont mis en grève en raison des craintes d’une vente potentielle de l’entreprise par son propriétaire, le conglomérat d’hydrocarbures ENI, dont l’Etat italien détient 30% des actions.
L’acheteur potentiel est un homme bien connu qui, à l’âge de 78 ans, a amassé une grande fortune grâce à des investissements dans le secteur bancaire et en acquérant des cliniques privées. Son intérêt pour le monde des médias s’est intensifié ces dernières années, comme en témoigne son acquisition de divers journaux, dont Il Giornale, qui était longtemps la propriété de la famille Berlusconi, ou Libero, qui a une orientation idéologique proche de l’extrême droite. En outre, depuis 2008, Antonio Angelucci occupe un siège au Parlement et, depuis un an et demi, il est membre de la Lega (extrême droite), le parti politique de Matteo Salvini, qui fait partie de la coalition gouvernementale.
Dans le cas où la vente se réalise, quelle garantie existe-t-il pour la liberté éditoriale que l’agence a toujours défendue ? L’éventualité de la cession de l’AGI à M. Angelucci constituerait une première dans le secteur médiatique italien, ainsi qu’un exemple flagrant de conflit d’intérêts. En effet, le ministère de l’économie, dirigé par Giancarlo Giorgetti, un membre de la Ligue, est l’actionnaire principal du groupe ENI. L’opposition et les syndicats s’inquiètent donc que l’agence puisse être cédée à des proches. « Nous lutterons aussi fort que nécessaire pour empêcher que l’AGI ne tombe entre de mauvaises mains », a déclaré Alessandra Costante, la secrétaire de la Fédération nationale de la presse italienne, lors d’une manifestation de soutien à l’agence, devant le Panthéon à Rome, le 3 avril.
« Rester impartial »
L’inquiétude est palpable parmi les employés de l’agence. « Nous craignons pour notre liberté et notre indépendance », confie une journaliste de l’AGI, qui souhaite rester anonyme. « Une agence doit rester impartiale et ne doit pas épouser de couleur politique. » Bien que son fondateur, Enrico Mattei, tenait à ce que l’AGI reste dans le groupe public pour garantir son indépendance, le groupe ENI ne nie plus vouloir se séparer de son agence de presse, qu’il estime plus en adéquation avec ses activités.
Dans une déclaration du 10 avril, le représentant de la corporation globale a affirmé que le plan de vente de l’entreprise est bien en cours, avec un unique prétendant, alimentant ainsi les craintes des employés. « ENI nous a toujours permis d’opérer librement auparavant, mais maintenant, la firme ne nous donne plus d’information. Nous avons sollicité une réunion d’urgence mais nous n’avons pas reçu de réponse », continue la reporter, qui est aussi une déléguée syndicale.
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