Environ un individu sur dix est gaucher, une particularité qui continue de susciter des questions sans fin sur ses origines. Dans une recherche publiée le 2 avril dans le journal Nature Communications, bien qu’elle n’offre pas une solution définitive au mystère, nous découvrons des indices sur le possible aspect génétique de la « gauchitude ». Le terme « gauchitude » réfère à la fois à être gaucher mais aussi à une certaine maladresse ou manque de dextérité, une confusion démontrant le préjugé qui a longtemps touché les gauchers, bien qu’aujourd’hui cette perception négative soit largement dissipée. La présence notable de génies gauchers comme Leonard de Vinci ou Albert Einstein a grandement contribué à effacer cette image.
Concernant l’étude mentionnée, un groupe de chercheurs du Max-Planck Institut pour la Psycholinguistique aux Pays-Bas a exploré des variantes génétiques rares qui pourraient être liées à la prédisposition à la gaucherie, en analysant les données de la vaste cohorte britannique, UK Biobank. Là, ils ont examiné les séquences d’ADN de 313 271 droitiers et 38 043 gauchers. Leur recherche met en lumière le rôle d’un genre particulier de protéines, les tubulines, qui se regroupent en longs filaments appelés microtubules, agissant comme régulateurs de la forme et des mouvements des cellules.
En 2021, une équipe de recherche australienne utilisant les données de la UK Biobank, avait identifié 48 variantes génétiques fréquentes (séquences d’ADN qui varient d’une personne à l’autre) en lien avec l’aspect gaucher. Plusieurs se trouvaient dans des parties « non codantes » de l’ADN (qui ne produisent pas des instructions pour la création de protéines), et certains paraissaient réguler l’activité des gènes de la tubuline.
Dans cette recherche récente, l’équipe a concentré son attention sur les variantes génétiques rares des zones de codage DNA. Ils ont découvert, spécifiquement dans le gène d’une certaine tubuline (TUBB4B), des variantes qui, quoique peu courantes, étaient 2,7 fois plus courantes chez les personnes gauchères (0,076% d’entre eux) par rapport à celles qui sont droitiers (0,028% d’entre eux). Ces variantes rares « peuvent fournir des perspectives sur les processus de développement de l’asymétrie cérébrale chez tous les individus », explique Clyde Francks, qui a supervisé cette étude, dans la revue scientifique Nature. Cela est particulièrement notable lorsqu’il est couplé à la découverte de variantes fréquentes liées à la gaucherie qui modifient la quantité et la qualité des tubulines produites.
Emmanuelle Génin, de l’Inserm à l’université de Brest, juge que « c’est une étude solide d’un point de vue méthodologique. Ce travail renforce la notion d’un rôle crucial des tubulines dans l’organisation de la latéralité du cerveau chez l’embryon. » Etre gaucher ou droitier est effectivement une manifestation de la spécialisation des hémisphères droit et gauche de notre cerveau.
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