Un projet de loi visant à renforcer la sécurité sur internet a finalement été adopté mercredi 10 avril, suite à un vote final à l’Assemblée nationale. Cela s’est produit malgré l’opposition de plusieurs groupes préoccupés par l’impact potentiel sur les libertés civiles. Le projet de loi a été validé par 134 membres du parlement, avec 75 votes contre venant de membres de La France insoumise (LFI), du Parti socialiste (PS) et du Rassemblement national (RN), entre autres.
Marina Ferrari, la Secrétaire d’État chargée du numérique, a accueilli chaleureusement le vote, en soulignant que cela était attendu par des millions de citoyens désireux d’un environnement numérique plus sécurisé et protecteur. Cependant, La France insoumise a indiqué qu’elle allait contester la loi devant le Conseil constitutionnel.
La loi vise à contrer divers problèmes tels que le cyberharcèlement, les escroqueries internet, les discours haineux et l’accès aux sites pornographiques par les mineurs. Pour cela, elle s’appuie sur les réglementations européennes relatives aux services numériques et aux marchés numériques.
Le processus de création de cette loi a été complexe. Après avoir été approuvée au Sénat en juillet, puis à l’Assemblée en octobre, elle a dû être réécrite en détail pour se conformer au droit européen. Un accord a finalement été conclu entre les sénateurs et les députés en mars. La version finale a réintégré un article souhaité par le Sénat mais supprimé par l’Assemblée, introduisant un délit d’outrage en ligne passible d’une amende pénale de 300 euros.
L’offense en ligne, permettant de punir la publication de tout contenu nuisant à la dignité d’un individu ou affichant à son encontre un aspect offensant, avilissant ou humiliant, ou instaurant une situation menaçante, hostile ou désagréable, est désormais pénalisable. C’est une « infraction vague » qui « échappe à la loi de 1881 », selon l’organisme de défense des libertés digitales, La Quadrature du Net. Le RN, qui a voté contre le projet de loi après s’être abstenu en octobre, a critiqué en déclarant qu’elle est une mesure « honteuse », attribuant « le pouvoir aux forces de l’ordre de juger si certains commentaires publiés en ligne sont illégaux ».
La France Insoumise s’est aussi opposée à la proposition, comme en octobre. La députée Sophia Chikirou a souligné que ce texte est « un danger pour les droits fondamentaux », se demandant si « le chant des “gilets jaunes”, le célèbre “on est là, on est là, même si Macron ne nous veut pas, on est là” pourrait être considéré comme un outrage en ligne. « Le Conseil constitutionnel va être appelé, le combat continue », a-t-elle déclaré.
Controverses sur la régulation des plateformes de vidéos pornographiques.
« La France Insoumise a exprimé son inquiétude sur le décret concernant les « Jonum », des jeux vidéo contenant des objets numériques pouvant être commercialisés et qui se situent à la limite entre le gaming et les jeux de hasard. Le projet de loi suggère un contexte juridique plus flexible que celui en place pour les « jeux de hasard » et permet exceptionnellement les bénéfices en cryptomonnaie tout en les réglementant. « Vous fabriquez un nouvel addictif pour de nombreux citoyens français dans le but unique de générer des revenus supplémentaires pour des start-ups », a blâmé la députée Ségolène Amiot. Les socialistes, qui avaient précédemment approuvé le texte en première lecture, ont manifesté leur préoccupation concernant le crime d’insulte en ligne et la législation sur les Jonum, et ont voté contre cette fois-ci.
D’autres députés, en accord avec des associations féministes et de protection des enfants, ont critiqué des objectifs limités en ce qui concerne la régulation des plateformes de vidéos pornographiques. Plusieurs ont souligné leur crainte que, dans le but de se conformer au droit de l’Union européenne, le pouvoir de régulation de l’Arcom sur les sites qui n’empêchent pas les mineurs d’avoir accès à leur contenu ne soit réservé qu’aux plateformes basées en France ou en dehors de l’Union européenne. »
Dans le texte original, Paul Midy (Renaissance), le rapporteur général du texte, a tenté de tranquilliser les esprits en affirmant que la loi s’appliquera à toutes les plates-formes pornographiques dans le monde, malgré une procédure plus complexe pour celles situées en Europe (à l’exception de la France). Donner à l’Arcom le rôle de créer un « référentiel » décrivant comment les plates-formes devraient procéder a été fortement critiqué. Céline Piques, l’ancienne présidente d’Osez le féminisme !, s’est insurgée: « C’est ce que les sites désirent pour gagner du temps ».