Dans « Derrière le mythe métis » (La Découverte, 336 pages, 22 euros), la sociologue Solène Brun, spécialiste en problématiques raciales et chercheuse au CNRS, examine les unions interraciales et leurs progénitures en France. Cette analyse met en lumière le métissage et la race en tant qu’expériences sociales.
Qu’est-ce que le « mythe métis » ?
Il s’agit du fantasme d’un métissage harmonieux qui éclipse entièrement les relations de pouvoir et de suprématie et qui favorise une certaine refonte de l’histoire, omettant les déséquilibres raciaux. C’est l’idée de l’amour comme remède au racisme, considéré non pas comme un système, mais comme de la haine envers l’autre. Cependant, le racisme n’est pas tant une affaire de haine, mais de relation de domination. Son origine se trouve dans l’Europe chrétienne et ses règles sur la pureté du sang pour prévenir les mariages interreligieux entre chrétiens, juifs ou musulmans.
Étymologiquement, la mixité signifie mélange et désordre. Cela reflète assez bien ce qui se produit avec le métissage: un mélange qui trouble l’ordre racial. Il n’était pas possible d’être simultanément esclave et libre, ou indigène et colon. L’étude de la question métisse fournit une quantité impressionnante d’informations sur la formation de la race et comment le groupe blanc a ressenti le besoin de renforcer les frontières raciales par peur du mélange. C’est ce qu’on retrouve aujourd’hui dans la théorie du « grand remplacement ».
La race et la citoyenneté ont-elles toujours été connectées ?
Les recherches de l’historienne Emmanuelle Saada sur les personnes métisses de l’Indochine dévoilent l’infusion d’un aspect racial dans la citoyenneté française. Selon un décret de 1928, renforcé par une loi ultérieure en 1944, les personnes métisses dont les parents sont inconnus, mais présumément de « race française », ont la possibilité d’obtenir la nationalité française. Cette permission révèle que la citoyenneté française possédait une base raciale jusqu’à une période récente de notre histoire. Ce fait illustre jusqu’à quel point la citoyenneté française a été racial selon l’histoire et que l’identité française a été associée à la blancheur. Cette réalité historique a encore des conséquences aujourd’hui sur la façon dont on considère l’appartenance à la France.
Dans ces circonstances, la célébration de la mixité est effectuée aux dépens des individus non-blancs qui ne sont ni métisses ni en couple mixte. L’intégration est un thème sous-jacent dans ce contexte. Le mariage entre immigrants a souvent servi d’indicateur d’intégration dans les études sociologiques et démographiques. Cette notion est présente dans la plupart des discours politiques traitant de l’intégration ou même de la créolisation, qui ne traitent pas des inégalités raciales, mais promeuvent l’idée que le mariage inter-ethnique est positif pour les nouveaux arrivants en France.
Il reste 46.61% de cet article à découvrir. La fin est destinée exclusivement aux abonnés.