La menace des coupures d’électricité planifiées, ou «délestages», est largement discutée en France cet hiver. Cependant, il est également possible que des coupures, à des degrés divers, se produisent par accident. C’est ce qui est arrivé le jeudi 8 décembre, lorsque 65 000 foyers répartis à travers les 3e, 4e et 5e arrondissements de Paris ont été privés d’électricité pendant un certain temps en raison d’un problème avec un transformateur électrique.
Pourquoi une zone entière peut-elle subitement manquer d’électricité? L’électricité ne vient pas directement de la source de production – par exemple, une centrale nucléaire – à la lampe de votre salon. Elle voyage sur de longues distances et passe par des transformateurs, des postes électriques et différents types de lignes. Un unique dysfonctionnement dans cette longue chaîne peut affecter des milliers de clients, comme cela a été le cas avec l’incident de Paris la semaine dernière, et comme cela pourrait se produire si les délestages planifiés affectaient des groupes d’environ 100 000 personnes. Voici quelques explications.
De la production aux lignes à haute tension
– Le réseau de transport
La production d’électricité est insuffisante, il faut aussi l’acheminer vers ceux qui en ont besoin. Cependant, l’électricité est presque impossible à stocker et ne voyage pas bien. Sur de longues distances, des pertes d’énergie importantes peuvent se produire par dissipation thermique (effet Joule). Cependant, en augmentant la tension de l’électricité produite, ces pertes peuvent être limitées : à la sortie de la centrale, un transformateur élève la tension du courant de 20 000 à 400 000 volts avant de l’injecter dans le réseau de transport géré par RTE.
Le courant électrique passe par les lignes de très haute tension (THT), comparables à des autoroutes déployées à travers le pays. Ces câbles monumentaux et élevés contribuent de manière significative à alimenter les régions françaises les plus isolées comme la Bretagne, l’Ile-de-France, la Provence-Alpes-Côte d’Azur, et la Corse.
Ensuite, le réseau de transport s’occupe de diriger l’électricité sur le réseau de distribution (haut tension). Un transformateur est essentiel à cette étape pour diminuer la tension de 225 ou 400 kilovolts à 63 ou 90 kilovolts. Composé davantage de lignes dites « régionales », le réseau de répartition organise le flux d’électricité sur le territoire de façon plus subtile du fait de la distance et de la capacité réduites.
Les sites nécessitant une consommation d’électricité élevée comme les installations industrielles (aciéries, cimenteries, etc.) ainsi que les voies ferrées électrifiées sont directement approvisionnées par RTE en haute tension. D’où, le courant leur est livré à 63 ou 90 kilovolts et même parfois à 225 ou 400 kilovolts.
Selon Hamid Ben Ahmed, chercheur-enseignant à l’École normale supérieure de Rennes, les réseaux de transport et de distribution sont appelés « réseaux maillés résilients » ce qui signifie que le courant peut suivre des chemins variés, offrant toujours un itinéraire de secours ce qui minimise les risques de coupures d’électricité.
En 2022, on enregistre au total 106 974 kilomètres de lignes haute et très haute tension. Enfin, les distributeurs prennent le contrôle en dessous de ce niveau pour la moyenne et la basse tension au niveau de la distribution.
Une fois que l’électricité est transférée des lignes à haute tension aux postes de distribution, situés près des domiciles, la responsabilité passe du réseau de transport au réseau de distribution. Cette tâche n’est plus réalisée par RTE but, est à la charge des fournisseurs d’électricité, dont Enedis gère 95% des installations dans les zones métropolitaines.
Ensuite, des transformateurs réduisent la tension à environ 20 000 volts, correspondant à l’électricité de moyenne tension (soit HTA ou MT), utilisée pour alimenter directement des clients à forte consommation tels que les hôpitaux, les hôtels, ou les petites et moyennes entreprises. Cette ligne de moyenne tension mesure 622 187 kilomètres de long.
L’électricité de moyenne tension circule grâce aux postes électriques, qui la répartissent ensuite en différentes branches. Lorsque l’électricité atteint les habitations, de nouveaux postes électriques, plus petits, diminuent sa tension à 230 volts ou à 400 volts, qui correspondent à la tension standard d’une prise domestique. Ils distribuent ensuite l’électricité aux consommateurs finaux, les utilisateurs de basse tension (BT), comme les maisons ou les immeubles résidentiels, les écoles, les artisans, les commerçants, etc.
Le nombre de foyers connectés par poste de distribution, qui se situe à la jonction des lignes électriques à haute et moyenne tension, varie en fonction de la densité de la zone, allant de quelques dizaines en milieu rural à plusieurs dizaines de milliers dans les grandes villes.
Contrairement aux réseaux de transport et de distribution dirigés par RTE, le réseau de distribution est structuré « en artère », ce qui signifie que ses fils électriques constituent des tronçons isolés qui ne sont pas liés à d’autres câbles de la même dimension, mais possèdent plutôt une extrémité. Par conséquent, lorsqu’un incident affecte une partie d’une ligne basse tension, l’intégralité de la ligne est touchée par l’interruption. À noter que le réseau basse tension est le plus étendu et le plus dense des trois niveaux du réseau électrique français, comptabilisant 701 858 kilomètres de lignes en 2022.