Dans une récente interview accordée au Journal du dimanche, le 17 mars, Bruno Le Maire a proposé une transition de la notion traditionnelle de « l’État providence » à un « État protecteur ». Néanmoins, ce que l’on découvre derrière ses propos est un gouvernement manœuvrant sournoisement. Plutôt que de réparer son budget perforé et de le renflouer en récoltant des fonds là où ils se concentrent, il choisit de raboter les services publics.
En particulier, il appauvrit les départements, nuisant à nos aînés, les jeunes, les personnes handicapées, les femmes et les hommes en situation précaire. En somme, il mine ceux pour qui les services publics départementaux sont la première ligne de défense sociale et la voie vers l’autonomie.
La discipline budgétaire qu’il promeut limite l’action publique locale à des domaines qui rétrécissent continuellement la solidarité envers les « sans-voix », selon les termes de Christophe Robert, directeur général de la Fondation Abbé Pierre (Pour les sans-voix, Arthaud, 304 pages, 19,90 euros). Notre modèle social, basé sur les valeurs de liberty, d’égalité et de fraternité, est donc en danger.
L’un des exemples les plus frappants concerne les ponts, qui pourraient sembler un sujet inhabituel. D’après le rapport du Sénat intitulé « Sécurité des ponts : éviter un drame » (2019), un pont sur dix en France serait dangereux, représentant 25 000 ponts. La plupart d’entre eux ont été sous la responsabilité des départements depuis longtemps, bien qu’ils ne reçoivent pas la compensation nécessaire pour leur maintenance. Les résidents de nos zones rurales sont les plus touchés : si des services essentiels tels que la boulangerie, le kiosque à journaux, le centre de loisirs pour enfants ou le cabinet médical sont localisés de l’autre côté du pont, la fermeture de ce dernier peut causer une réelle rupture sociale et peut-être même une rupture des soins. Dans tous les cas, cela cause une rupture du lien.
Nous devrions parler de l’investissement public dans les professions d’assistance et de soins. Du secteur de la protection de l’enfance à l’accompagnement de nos personnes âgées, l’ensemble du secteur social est affecté par des mesures d’économie technocratiques mises en place par le gouvernement. Pendant ce temps, la valorisation des salaires et l’amélioration des conditions de travail dans le secteur nécessitent une étape préliminaire : l’investissement public. Quels sont ceux qui en subissent les conséquences ?
D’après un rapport préparé par le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ) et le Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), entre 2018 et 2019, le nombre de jeunes majeurs bénéficiant d’une mesure de protection de l’enfance a augmenté de 9% et de 30% entre 2019 et 2020. Nos parents ou nos grands-parents qui, comme 85% des Français selon l’IFOP, souhaitent passer le plus de temps possible à la maison en vieillissant mais ne pourront pas. Quant à ceux qui travaillent dans le domaine de l’assistance, ils voient leur temps de travail humanitaire se réduire face à des contraintes administratives qui érodent la valeur de leur travail.
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