Lors de son allocution de politique générale, Gabriel Attal a fait comprendre qu’un non-respect d’un rendez-vous médical sans préavis serait facturé. Le Premier ministre a défini clairement lors d’un entretien avec la presse locale le 6 avril, qu’un frais de 5 euros ou « taxe lapin » sera facturée pour les rendez-vous manqués.
Cette demande persistante venant des médecins indépendants a été officialisée en janvier 2023 par une déclaration commune du Conseil National de l’Ordre des Médecins et de l’Académie de Médecine. Ils ont exprimé leur regret que chaque semaine entre 6% à 10% des patients ne se présentent pas à leurs rendez-vous, ce qui est équivalent à une perte de temps de consultation d’environ deux heures par semaine pour chaque médecin, peu importe leur spécialité. Par extrapolation, cela représente près de 27 millions de rendez-vous annulés par an.
Ces deux entités ont indiqué que ces « lapins » ont de graves conséquences sur l’offre de soins, car ils désorganisent la routine quotidienne des médecins et conduisent à une augmentation du nombre de patients qui se tournent vers les urgences.
Mais d’où vient cette statistique de 27 millions de consultations annulées chaque année ?
Lorsqu’on demande à ces chiffres, le Conseil national de l’Ordre des Médecins renvoie à l’association des médecins indépendants de l’Union Régionale des Professionnels de Santé d’Ile-de-France (URPS-IDF), qui est à l’origine de ces chiffres.
L’URPS-IDF a formulé pour la première fois une estimation « à l’échelon national » dans une déclaration en juillet 2022, s’appuyant sur les réponses obtenues d’une enquête menée auprès des médecins de l’Ile-de-France. Sur un total de 16 000 médecins franciliens, 2,240 ont répondu, dont 855 généralistes. Ils ont été interrogés sur le nombre de rendez-vous non honorés qu’ils constataient en moyenne par jour, avec des options telles que « zéro », « un à deux », « trois à cinq » ou « plus de cinq ».
Sur la base de ces réponses, l’URPS-IDF a déterminé que 95 % des médecins signalent au moins un rendez-vous non honoré par jour. Ils ont ensuite multiplié ce pourcentage par le nombre total de médecins en France (en 2022, il y avait 100 000 médecins libéraux) et le nombre total de jours de travail par an (soit quarante-cinq semaines de six jours). Cela a conduit à l’estimation que chaque année, 27 millions de consultations en France ne sont pas honorées.
Détail intéressant de l’enquête, 43 % des médecins interrogés ont estimé que les rendez-vous non honorés représentent entre 0 et 5 % de leur pratique, tandis que 37 % ont indiqué un pourcentage entre 6 % et 10 %. Malgré tout, c’est ce dernier pourcentage qui a été repris par le Conseil national de l’ordre des médecins, puis dans l’amendement présenté au Sénat.
Finallement, la difficulté d’estimer précisément ce phénomène est soulignée.
L’évaluation des 27 millions de « no-shows », basée sur l’étude menée par URPS-IDF, manque de solidité statistique. En l’absence d’une analyse approfondie parmi les prestataires de santé ou une enquête statistique conduite auprès d’un échantillon significatif de professionnels médicaux français, diverses entités ont tenté de chiffrer le phénomène. Le Premier Ministre déclare dans son projet que la « taxe no-show » pourrait générer entre 15 et 20 millions de disponibilités de rendez-vous.
Des sondages existent, bien que leur représentativité soit restreinte. Le Conseil Médical du Département du Nord a conduit une étude auprès de seulement 200 docteurs sélectionnés au hasard en janvier 2023. En moyenne, les « no-shows » comptent pour 7,6% des consultations parmi les 150 répondants ayant des consultations, couvrant toutes les spécialités, soit deux heures perdues par semaine. Uniquement 15% de celles-ci sont reprogrammées avec de nouveaux patients.
En mars 2022, l’URPS pour les docteurs libéraux du Grand-Est a envoyé un questionnaire à 7 364 docteurs. Seules 517 réponses ont été reçues. Parmi elles, 303 provenaient de généralistes et quelques unes de chaque spécialité. Le nombre de rendez-vous non honorés s’élève en moyenne à 3,83 sur 102 par semaine en médecine générale. L’étude donne également les chiffres concernant le nombre de « no-shows » et l’équivalent en « semaines d’activité perdues », par spécialité. Cependant, l’échantillon des répondants est très restreint : vingt-six pédiatres, huit ophtalmologistes, deux gynécologues…
L’union de médecins de famille MG France a mené une investigation auprès de ses membres en janvier 2024. Jean-Christophe Nogrette, le secrétaire-général de l’union, interprète les données initiales indiquant qu’en moyenne, chaque médecin de famille a 2,5 rendez-vous par semaine qui ne sont pas respectés, ce qui équivant à environ 6 millions de rendez-vous ratés parmi 250 millions annuellement.
– Des découvertes statistiques plus larges, bien que leur portée soit limitée.
La plateforme Doctolib a également estimé le nombre de « no-show » parmi les utilisateurs de son application. Basé sur les 30 millions de rendez-vous de septembre et d’octobre 2022, Doctolib considère que 3,4 % des rendez-vous ne sont pas respectés chez les médecins de famille et pédiatres (sans annulation ni préavis), 4,5 % pour les autres spécialistes et 6,2 % pour les dentistes.
La plateforme Doctolib a aussi évalué le taux de remise des rendez-vous annulés à la dernière minute (moins de 48 heures avant la date prévue) et a constaté qu’il était supérieur à 75 % pour les généralistes et pédiatres, par rapport à un sur deux dans les autres spécialités.
Ces statistiques sont assez solides, cependant, elles ne représentent que les praticiens inscrits sur Doctolib – seulement un tiers des généralistes en pratique privée sont inscrits sur la plateforme.