Imaginez une ruelle animée durant l’apogée de la foire médiévale à Troyes en Champagne. Sous les gargouilles sinistres de l’église Saint-Jean-au-Marché, des commerçants venus de Flandre, des cités allemandes ou de Lombardie installaient leurs kiosques à l’ombre des maisons à avancées supérieures. Les marchandises comme le tissu, les épices, le cuir, le vin, et les animaux de trait y étaient négociées dans diverses langues, avec le concours des changeurs pour finaliser les transactions en monnaie locale : l’once de Troyes.
Ôtez-vous de l’esprit une rue propre – une rigole vomissait son torrent de détritus nauséabond, souillé par le jet imprévu des riverains : « Gare à l’eau ! »
Bien que la scène soit lointaine, remontant aux XIIe et XIIIe siècles, elle est encore aisément évoquée à travers les ruelles pavées et sinueuses de Troyes, désormais bien entretenues. Des maisons de l’époque médiévale subsistent, ayant été reconstruites à l’identique après le grand incendie qui dévasta la ville en 1524. Les colombages qui ornent ces maisons, astucieusement agencés pour soutenir leurs structures ovoïdes, sont souvent peints en couleurs pastel – ceci rappelle le temps jadis.
Les foires de Champagne, avec la foire chaude en été et la foire froide en hiver, ont assuré la renommée et la prospérité de Troyes bien au-delà de leur avènement. Au moment de Renaissance, des siècles plus tard, les marchands fortunés s’offraient des hôtels particuliers dont les façades impressionnantes, alternant briques et craie en motif de damier, témoignent de l’opulence champenoise d’autrefois.
La richesse et la qualité du patrimoine urbain du centre-ville largement piétonnier, accessible par une gare proche, étonnent les voyageurs. Franchement, que vous vient à l’esprit quand vous pensez à la préfecture de l’Aube ? Une Seine presque svelte, détournée pour nourrir les tranchées défensives, aujourd’hui transformées en jardins charmants en pente ? Les « magasins d’usine » qui, dans les quartiers en périphérie, proposent des vêtements à des prix à rabais ? Ou encore le champagne, car des vignobles se trouvent à Montgueux, à proximité du cœur de la ville qui, comme par hasard, présente un plan d’urbanisme en forme de bouchon de champagne ? Tout cela et plus encore, c’est Troyes.
Flèches et clochetons
La tradition du vitrail fait partie des nombreux héritages de l’histoire. La Cité du vitrail, installée dans l’ancien hôtel-Dieu depuis la fin de 2022, présente tous les aspects techniques et esthétiques de cet art. L’Aube possède l’une des plus grandes collections de vitraux en Europe, qui décorent les nombreuses « verrières » illuminant les églises du département. « La création de vitraux a prospéré au XIIe siècle et s’est perpétuée pendant la Renaissance et au XIXe siècle, période pendant laquelle le plus grand nombre d’églises a été construit. La région a été relativement épargnée par les destructions causées par les guerres », déclare Anne-Claire Garbe, conservatrice à la Cité du vitrail.
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