Dans son appartement en banlieue de Paris, Patricia Delahaie rédige le roman « Un Lundi de Pentecôte ». Le mur de son bureau est orné par deux références littéraires très différentes : une signature autographiée de Victor Hugo et un portrait de Céline. Ces deux écrivains sont, à leur propre manière, des figures inspirantes pour son écriture.
De Hugo, Delahaie aspire à la clarté de la phrase, à l’attrait des faits divers et à une aversion à la peine de mort. Quant à Céline, elle s’intéresse à son exploration humaine, même des personnages les plus sombres – bien qu’elle soit ennuyée par son antisémitisme notoire.
Le portrait de Céline lui rappelle également Pierre Pellerin, un homme qui ressemblait physiquement à l’écrivain. Pellerin dirigeait en Gironde un foyer pour enfants en difficulté, où elle a séjourné pendant deux ans. Il avait l’habitude de leur raconter des histoires de Racine, une expérience qu’elle a trouvée fascinante.
Son roman « Un Lundi de Pentecôte » est une tapestry d’amour, de sang, d’enfants perdus et de guillotine. Il s’inspire fortement du cas de Christian Ranucci, un drame qui a ébranlé la France à l’époque. L’enlèvement et le meurtre de Marie-Dolorès Rambla, qui n’avait que 8 ans, ont profondément marqué Delahaie, qui venait de vivre une période difficile. Elle cite une époque où l’on traitait sans ménagement les enfants, une ambiance qu’elle décrit comme très « familia grande », en référence au livre de Camille Kouchner sur l’inceste au sein de sa famille.
Le jugement, la sentence de mort et l’exécution de Christian Ranucci, deux ans plus tard, ont a attiré une attention encore plus grande. L’ouvrage « Le Pull-Over rouge » de Gilles Perrault (Ramsay, 1978) a ensuite déclenché une vive controverse autour d’une possible erreur judiciaire, dans un contexte de société en plein débat sur la peine capitale. « À cette époque, j’étais entièrement persuadée de l’argument de Perrault, se rappelle Patricia Delahaie. J’étais aussi âgée de 20 ans, tout comme Ranucci. Je scrutais son visage angélique, ne croyant pas qu’il puisse être coupable. »
Durant des décennies, elle a mis de côté cette affaire et a poursuivi sa carrière dans le journalisme, se spécialisant dans les relations conjugales et familiales. Elle a écrit une vingtaine de livres sur ce sujet. Jusqu’au jour où Belfond lui offre enfin la possibilité de devenir auteure de romans, son rêve d’enfance. La Faussaire (2022), son premier roman inspiré de l’affaire Zawadzki, une sombre histoire de « amants maudits », lui vaut d’être nominée pour quatorze prix littéraires. Une perspective prometteuse, même si elle ne gagne aucun d’entre eux. Le sujet de son prochain roman est décidé depuis longtemps : Ranucci.
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