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« Agathe Habyarimana: 30 ans d’exil, soupçons »

Le cas complexe d’Agathe Habyarimana, une femme suspectée depuis trois décennies d’être l’architecte d’un crime abominable, reste non résolu malgré les accusations. Aujourd’hui âgée de 81 ans, cette veuve de l’ancien chef d’État rwandais a été secourue par les forces militaires françaises lors du génocide des Tutsi le 9 avril 1994. Actuellement, elle réside dans une maison de la région parisienne.

Depuis 2007, elle fait face à des accusations de « complicité de génocide » en France et est aussi la cible d’un mandat d’arrêt international émis par Kigali. Cependant, même si Paris a rejeté sa demande d’asile, la ville se refuse aussi à l’extrader vers le Rwanda.

Néanmoins, Emmanuel Macron insistait lors de sa visite à Kigali le 27 mai 2021, où il cherchait à consolider la réconciliation franco-rwandaise, que « personne soupçonnée de crimes de génocide ne puisse échapper à la justice » .

Alors que le Rwanda se prépare à commémorer le trentième anniversaire du génocide des Tutsi et que les procès se succèdent à la Cour d’assises de Paris – avec déjà six hommes condamnés pour leurs actes – le cas d’Agathe Habyarimana reste une énigme. Considérée comme témoin assisté depuis 2016, elle a été laissée sans interrogatoire par la justice. En septembre 2020, elle a fait appel à un juge pour mettre fin à l’enquête en évoquant le « délai déraisonnable » de la procédure, mais son appel a été jugé « irrecevable ».

Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), déplore la lenteur de la justice française dans l’affaire concernant Mme Habyarimana, dont le rôle dans la planification du génocide rwandais semble indiscutable. Le président rwandais, Paul Kagame, lors de sa visite à Paris en mai 2021, a insisté sur le fait que Mme Habyarimana se trouvait en haut de la liste des suspects qu’il souhaitait voir jugés. Néanmoins, la procédure judiciaire est stagnante.

Agathe Habyarimana, née Kanziga à Gisenyi en 1942, est issue de l’un des clans hutu les plus nobles du nord du Rwanda, les Abahinza. Elle a épousé Juvénal Habyarimana, un militaire ambitieux, à l’âge de 21 ans. Ce dernier est parvenu au pouvoir en juillet 1973 grâce à un coup d’État. En 1991, une vingtaine de radicaux Hutu du nord ont constitué l' »Akazu », ou « la petite maison » en kinyarwanda, qui est la langue couramment utilisée au Rwanda.

L’Akazu, un réseau politico-économique, avait pour but de verrouiller l’accès au pouvoir afin de préparer le génocide, tant sur le plan militaire que financier. Bien qu’Agathe Habyarimana ait toujours nié l’existence de l’Akazu, plusieurs documents et rapports démontrent l’influence qu’elle exerçait sur ce groupe, notamment un rapport de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) rédigé en septembre 1994 qui identifie Agathe Habyarimana et son frère Protais Zigiranyirazo, surnommé « Monsieur Z », comme les principaux instigateurs de l’Akazu.

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