Pratique, responsable sur le plan environnemental et récemment devenu profitable : Blablacar, qui compte plus de vingt millions d’utilisateurs inscrits en France, est souvent cité comme l’exemple d’une start-up innovante. « Le champion du covoiturage à l’échelle mondiale est français : quel honneur ! », s’est enthousiasmé Emmanuel Macron en 2022. Toutefois, pour parvenir à un tel succès, la jeune entreprise a bénéficié d’un appui tacite sanctionné par l’Etat, atteignant plusieurs dizaines de millions d’euros annuellement, d’après les informations du Monde. C’est une rétribution peu transparente dont Blablacar a été presque le seul bénéficiaire pendant dix ans et dont elle continue de profiter à ce jour.
L’histoire remonte à 2012. La plate-forme, alors appelée Covoiturage.fr, était toujours à la recherche de son modèle économique après six ans d’existence. Une aubaine inattendue lui est alors offerte par une grande entreprise française : Total.
La compagnie, qui a depuis été renommée TotalEnergies, a dû s’adapter à une obligation environnementale imposée par l’Etat à tous les fournisseurs d’énergie. L’entreprise pétrolière doit financer chaque année un montant déterminé pour des actions qui favorisent l’efficacité énergétique, évaluée par des certificats d’économies d’énergie (CEE). Ce principe de pollueur-payeur l’oblige à chercher auprès d’organismes approuvés par l’Etat des « sources » potentielles de CEE comme des travaux de d’isolation, des installations de chaudières efficaces, des mécanismes de transport de marchandises par voie ferrée…
TotalEnergies a une autre piste : pourquoi ne pas investir dans le développement du covoiturage, compte tenu du fait que les voitures personnelles n’assurent en moyenne le transport que de 1,4 passager sur les courts trajets ?
Le géant pétrolier propose un arrangement : pour chaque nouvel utilisateur ajouté, Blablacar gagnera des CEE, qui seront vendus à TotalEnergies pour une somme fixée préalablement. Ce dispositif sur mesure a été approuvé par le ministère de l’écologie, cependant, les détails exacts de cette « opération CEE spéciale » restent confidentiels.
Une collaboration entre TotalEnergies et Blablacar est publiquement dévoilée. En 2012, la plateforme offre des cartes de carburant de 20 euros pour TotalEnergies à ses nouveaux adhérents. Cependant, cette promotion est juste la pointe de l’iceberg. En parallèle, l’entreprise pétrolière verse directement à Blablacar plusieurs dizaines d’euros pour chaque conducteur inscrit. Les CEE deviennent rapidement un atout majeur pour l’entreprise en démarrage à la recherche de nouveaux utilisateurs et de liquidités, un argument de poids pour séduire des investisseurs et un avantage significatif face à ses rivaux. « Sans les CEE, Blablacar n’aurait jamais pu se développer si intensément et si solidement », note Lancelot Salomon, le PDG d’Ynstant, une plateforme rivale.
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