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6 avril 2024 18 h 06 min

Sénégal: Sonko présente un gouvernement partisan

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Le vendredi 5 avril, le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a dévoilé une équipe gouvernementale restructurée et réduite. Il a qualifié ce nouveau gouvernement de « rupture », avec une composition de 25 ministres et cinq secrétaires d’État. Presque la moitié de ces positions sont occupées par des membres du mouvement de Sonko, les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef). Selon Sonko, ce gouvernement représente un projet de transformation systémique approuvé par le peuple sénégalais lors de l’élection du 24 mars 2024, où Bassirou Diomaye Faye a remporté 54,28% des suffrages lors du premier tour.

Ce qui est particulièrement surprenant, c’est la nomination de deux militaires à des postes de responsabilité : le général Birame Diop, ancien chef d’état-major, a été nommé à la tête des forces armées, et le général Jean-Baptiste Tine, ancien haut commandant de la gendarmerie nationale, à l’interieur. Selon l’analyste Abdou Khadre Lô, ces nominations reflètent l’intention du nouveau gouvernement de confier des postes clés à des individus considérés comme politiquement neutres, semblable à l’année 2000, lorsqu’un général a été nommé à l’intérieur pour organiser l’élection présidentielle qui a conduit à la première alternance au Sénégal.

Le nouveau ministre de la justice, Ousmane Diagne, est censé assumer un pouvoir moins partisan, contrairement au dernier mandat de Macky Sall. Ancien procureur général de la Cour d’appel de Dakar, Diagne est reconnu pour son sérieux. Comme l’a souligné Sonko, il n’est pas vraiment question de « partage du gâteau ».

En plus des nominations, un rôle significatif a été attribué aux dirigeants du Pastef, un parti fondé en 2014 qui n’a jamais eu l’occasion de diriger. Au total, treize membres du gouvernement proviennent de ce mouvement, dont un certain nombre figurent parmi les plus influents. Birame Souleye Diop, qui dirigeait depuis septembre 2022 la coalition parlementaire d’opposition, Yewwi Askan Wi, a été nommé ministre de l’énergie, du pétrole et des mines. C’est un positionnement clé alors que le Sénégal s’apprête à devenir un producteur d’hydrocarbures en 2024.
Quant à Yacine Fall, vice-présidente du Pastef chargée des relations internationales et ancienne collaboratrice des Nations Unies, elle prend la tête du ministère de l’intégration africaine et des affaires étrangères. Elle est l’une des quatre femmes de cette administration très dominée par les hommes. C’est moins que dans les gouvernements précédents, qui comptaient entre sept et huit femmes.
« Il n’y a pas vraiment de partage des responsabilités. Plusieurs figures clés du Pastef ne figurent pas dans le gouvernement. Des alliés tels que l’ancienne première ministre Aminata Touré ou le doyen Habib Sy, qui ont soutenu Bassirou Diomaye Faye, sont également absents », souligne Abdou Khadre Lô, qui y voit un véritable tournant.
Cependant, quelques survivants du mandat précédent ont réussi à se faire une place au sein du gouvernement. Par exemple, Serigne Guèye Diop, ministre de l’industrie et du commerce, ancien conseiller de Macky Sall. Le soir de son investiture, Bassirou Diomaye Faye a également choisi Mary Teuw Niane, ancien ministre de l’enseignement qui a rejoint l’opposition en 2019, comme directeur de cabinet.
Cela représente une prise de risque mesurée.

Dans la précédente administration, Oumar Samba Ba occupait le poste de Secrétaire général de la présidence et a été maintenu à ce poste. La raison de ce choix est de garantir la continuité de l’Etat selon un conseiller du président Bassirou Diomaye Faye. En effet, depuis le règne du premier président, Léopold Sédar Senghor, les hauts fonctionnaires neutres ont été chargés de cette mission, ce qui a contribué à la stabilité de notre pays. Ils sont considérés au-dessus des partis politiques.

Jean-Charles Biagui, un politologue, perçoit cette décision comme une prudence gouvernementale visant à ne pas se mettre en danger et à ne pas mécontenter les alliés politiques en désignant des membres de l’ancien régime à des postes clés. Cependant, il note un effort pour apporter du sang neuf, comme la nomination de Fatou Diouf, une universitaire et experte en activités maritimes, qui a été nommée Ministre des pêches.

Au ministère de l’économie, le nouveau titulaire est Abdourahmane Sarr, un expert en questions monétaires qui a auparavant travaillé au Fonds monétaire international (FMI). Ce poste est d’autant plus sensible que Bassirou Diomaye Faye s’est engagé à accélérer la mise fin du franc CFA, la monnaie partagée par la plupart des pays francophones d’Afrique de l’Ouest suite à la colonisation.

Il reste à déterminer comment le président nouvellement élu et son guide – maintenant premier ministre – vont partager l’autorité. Ce duo est sans précédent : bien que Ousmane Sonko soit le principal leader de l’opposition, il a été exclu de l’élection présidentielle et a nommé Bassirou Diomaye Faye comme remplaçant. Est-ce que cette supériorité va se manifester dans le fonctionnement futur du gouvernement ? « Le rôle du premier ministre est un rôle qui peut générer des conflits et être précaire », prévient Ogo Seck, professeur de sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Il souligne que « deux coqs ne peuvent pas régner dans le même poulailler. »

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