Cela fait plus de trois décennies que « Clara-Clara », une impressionnante oeuvre sculptée par Richard Serra, une figure emblématique de l’art contemporain dont les travaux se vendent pour des millions de dollars, reste cachée dans un hangar appartenant à la Ville de Paris. Suite au décès de l’artiste américain le 26 mars, des questions quant au destin de la sculpture ont refait surface dans les discussions municipales.
Aurélien Véron, un membre (Les Républicains) du groupe Changer Paris, a exprimé son inquiétude sur X en demandant « Quel futur pour une pièce d’art aussi significative ? ». Il a indiqué clairement que l’administration municipale devrait trouver un emplacement symbolique pour la réexposition de l’oeuvre, affirmant que « Les Parisiens le méritent bien ». La mairie n’a pas donné de réponse officielle à ce sujet, même si selon certains proches de Carine Rolland, adjointe à la culture, trois solutions sont actuellement examinées pour un emplacement au coeur de Paris.
Malgré la distinction de ses œuvres, placées au Musée Guggenheim de Bilbao et plantées dans le désert de Doha, au Qatar, Richard Serra n’a jamais pardonné le sort réservé à Clara-Clara, une œuvre dédiée à sa femme et cruciale à sa carrière artistique. Ceci a été confirmé par Alfred Pacquement, ancien directeur du Musée national d’art moderne : « Serra a été d’autant plus affecté que cette œuvre est fondamentale dans son parcours ». Cependant, elle a été jugée laide et encombrante.
Remontons à 1983, lorsque le Centre Pompidou a choisi de dédier une rétrospective à Richard Serra. Pour souligner l’ampleur de son travail qui défie la taille conventionnelle de la sculpture, le musée commande Clara-Clara, deux arches d’acier corten de 36 mètres, symétriques et opposées, avec une inclinaison subtile. En raison de son poids, elle ne pouvait pas être installée dans le forum de Beaubourg. L’œuvre est finalement placée à l’entrée du jardin des Tuileries, faisant écho au Musée de l’Orangerie et au Jeu de Paume, et perturbant la perspective de Le Nôtre. « Clara-Clara est une invitation à la déambulation qui vous fait percevoir le monde différemment », élogie Le Monde. « Elle chamboule les idées reçues, déplace, décentre et déstabilise, tout en respectant l’espace ».
Jacques Toubon, alors maire du 13ème arrondissement et familier de Jacques Chirac, était convaincu que cette œuvre importante devait rester à Paris. Il persuade la maire de l’acheter. En 1985, Clara-Clara est déplacée du jardin des Tuileries au square de Choisy, un parc populaire récemment rénové. Malheureusement, les habitants et les associations du quartier se retournent rapidement contre elle. Considérée comme laide et encombrante, Clara-Clara est fréquemment vandalisée. « Les gens allaient même jusqu’à déposer délibérément des sacs poubelles au pied de la sculpture », se souvient Jacques Toubon. « À un certain point, la situation n’était plus gérable. » En 1990, Clara-Clara est retirée et stockée par la ville.
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