Des milliers de parents qui, il n’y a pas si longtemps, organisaient des chasses aux œufs pour Pâques, se sont cette fois lancés à la recherche de vœux pour leurs enfants à l’approche de la date limite de dépôt des dossiers sur Parcoursup. Le temps a ses caprices! Sûrs qu’ils n’avaient pas d’autre option, ils consacraient leur lundi de Pâques à rédiger les lettres de motivation de leurs enfants, après avoir longtemps pensé qu’ils n’étaient là que pour relire les travaux de leur descendance.
Voici comment on les identifie. En janvier, en faisant référence au dossier à remplir par leurs enfants, ils utilisaient « il » ou « elle ». En mars, ils ont évolué vers « on » et au début d’avril, ils utilisaient « je ». Il y a dix jours, ils incitaient leur enfant à être le plus « individualiste » possible, et maintenant, ils contactent leurs amis pour savoir comment ils ont rédigé les lettres de motivation de leurs enfants en 2023, après avoir demandé à l’aîné si ses lettres de l’année précédente étaient encore sauvegardées dans son ordinateur.
Ils sont convaincus qu’ils rédigent pour la dernière fois un document pour leurs enfants. Ils sont persuadés que tout le monde le fait, car ils ne connaissent personne qui ne le fait pas. Ils ont discrètement recherché sur internet quelques exemples de lettres « juste pour voir à quoi elles ressemblent » et ont trouvé des suggestions plutôt moins intéressantes que ce que leurs enfants ont pu rassembler à partir de ChatGPT.
Ils ont élaboré des documents intégrant ce qu’ils nomment des « idées clés ». Ils sont convaincus que la question d’orientation est devenue plus complexe et pensent que ce tournant se localise précisément à la génération de leurs enfants. Ils s’étonnent de ceux qui engagent des coachs. En définitive, ils ont le sentiment de n’avoir contribué qu’à la « structuration » ou à la révision du document. Leur implication a surpris, et légèrement inquiété, leurs enfants.
Leurs échanges ont été variés: « Rédige ton courrier, et nous le réviserons ensemble »; « Est-ce là tout ce que tu as préparé ces trois derniers mois ? »; « Qu’est-ce qui te rend susceptible d’être choisi, selon toi ? »; « Laisse-moi taper, je serai plus rapide »; « Va chercher tes bulletins de l’année passée pendant que je tape »; « Ah, il faut une pour chaque vœu ! Tu es certain de vouloir en faire autant ? »; « A l’époque d’APB, du moins, l’espace à remplir était moindre »; « Mon fils m’a simplement demandé de relire son courrier »; « Sa lettre n’était pas authentique, elle ne lui ressemblait pas, j’ai dû la réécrire pour lui »; « Nous n’avons pas menti, mais nous avons veillé à inclure tout ce qu’il fallait »; « Son père était censé s’en charger, mais il ne l’a pas fait »; « Je n’ai aidé que pour les fautes d’orthographe »; « J’ai peiné pour atteindre 1 500 caractères »; « Nous ne voulions pas faire son travail à sa place, mais nous l’avons soutenu »; « Au bout du compte, c’était un bon moment passé en famille, je ne regrette pas… ».
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