Mon enfance fut passée en plein cœur du Var, submergée par la beauté sauvage de la forêt provençale . D’abord dans une demeure spacieuse dotée d’une piscine, puis suite à la banqueroute de l’entreprise parentale, dans une cabane que mon père avait conçue au centre de la réserve naturelle. C’est là que j’ai forgé un lien intense avec la terre, la bâtisse, et reconnu les disparités du système économique contemporain. Lorsque j’ai déménagé en ville, à Lyon et ensuite à Paris, je me suis engagée à initier un changement. Très vite, l’alimentation a surgi comme un outil essentiel.
Peu de temps après sa naissance en 2015, j’ai rejoint l’association Ernest en tant que bénévole. Leur mission a captivé mon attention : elle consistait non seulement à fournir de l’aide alimentaire, mais aussi à contribuer à l’amélioration du système en promouvant une alimentation saine et durable, en soutenant les agriculteurs locaux et en créant des emplois. Aujourd’hui, je travaille avec eux, gérant le département de la restauration, convaincue que la cuisine peut être un moyen de revendication politique. Cela me motive tous les jours.
L’association a été inaugurée par Eva Jaurena et son équipe de militants amis. Le concept initial était le « pour manger », l’équivalent comestible du pourboire, grâce auquel nous faisons la collecte auprès de nos deux cents restaurants partenaires pour acheter et répartir chaque semaine une centaine de paniers de légumes bio et préparer cinq cents repas servis dans les centres d’accueil ou en maraude, nous permettant d’inviter dix personnes chaque jour à déjeuner dans notre restaurant, Chez Ernest, à Paris.
L’Education à une alimentation saine.
Prévu pour avril et mai, nous planifions notre troisième édition du festival Cheffes ! où nous rassemblerons des cuisinières talentueuses à Marseille et à Paris. Chacune d’elles contribuera en proposant un plat, qu’il soit sucré ou salé. Mon premier choc culinaire s’était produit lors du premier événement organisé par Ernest, lors de sa fondation. Bien qu’à ses débuts, ce n’était pas vraiment un festival, mais une petite fête au belvédère de Belleville à Paris, regroupant des chefs de restaurants qui avaient été invités à préparer leur plat signature.
Alice Di Cagno et Victor Gaillard, autrefois en charge du branché Chatomat et maintenant basé à Isolé, à Montreuil, avaient réalisé ce délicieux ceviche de cabillaud avec du jus de carotte, des olives déshydratées et du houmous de patate douce. Ma première réaction avait été d’être époustouflée, en pensant: « Incroyable, il y a des individus qui arrivent à susciter des émotions particulières avec leurs recettes, c’est simplement hallucinant! » Ce jour-là, j’ai compris que la cuisine peut avoir un impact sur bien des aspects. Que ce soit par la façon dont on prépare et sert la nourriture, sa distribution à ceux qui en ont besoin, ou par l’éducation au « bien manger » et le choix des produits utilisés tout en gardant à l’esprit les coûts pour que cela puisse profiter à tout le monde. La cuisine, c’est ma façon de connecter avec d’autres personnes.
Restaurant Chez Ernest, 4, impasse de Joinville, Paris 19e.
Festival des Cheffes ! à Marseille, Friche de la Belle de Mai les 7 et 8 avril, et à Paris 12ᵉ, port de la Rapée, les 19 et 20 mai.