Les ambitions de sécurité européennes ont rencontré des défis imprévus suite aux évènements du 11 septembre 2001, mais les détails spécifiques n’ont pas besoin d’être discutés ici. Il est toujours compliqué pour nous d’interpréter notre position relative par rapport à nous-mêmes et au monde. L’expression « le reste du monde », bien formulée mais désuète lorsqu’elle est prononcée par des Européens modernes, dégage un sentiment d’amertume résiduelle. Il semble que la notion de « monde » se manifeste ailleurs, et que nous sommes confinés à ce qui reste.
Dans son œuvre L’Autre Cap (1991), Jacques Derrida se pose des questions sur la possibilité d’une nouvelle monstruosité émergeant des relents post-soviétiques de l’Europe, qu’ils soient qualifiés de « décentrement » ou de « provincialisation ». Après l’effondrement de l’Union soviétique, il semblait possible que « l’Occident », dans son ensemble, risquait d’engendrer de nouvelles têtes de dragon. On avait l’impression d’être averti de se méfier des idées qui semblaient se former presque inévitablement après la chute du titan de l’Est européen. Des idées draconiennes pouvaient se cacher en coulisses, prêtes à jaillir dès la première opportunité.
Dans le but de comprendre correctement l’Europe du futur, nous devrions l’envisager sous le prisme d’une entité décapitée. Autrefois, ce dragon composé d’une douzaine de pays et ses colonisations voisines formaient un complexe apparemment invincible, que l’on pensait éteint au plus tard depuis l’année de libération africaine de 1960, où 18 anciennes colonies ont obtenu leur indépendance. Ou peut-être depuis la fin de la guerre d’Algérie en 1962, marquée par la signature des accords d’Evian. Cette entité composite aurait dû être enterrée et scellée sous une massive plaque commémorative. La réactivation de la demi-carcasse impériale russe ne devrait pas plus nous tromper, après ses 69 ans d’inertie derrière le voile de l’Union Soviétique, que le triomphalisme des libéraux américains, qui pensaient voir la voie s’ouvrir de manière unidirectionnelle à la domination mondiale des États-Unis. Pour lire le reste de cet article, qui est de 65,67%, vous devriez être abonné.
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