L’historien et universitaire, Yuval Noah Harari, argue dans son ouvrage Homo Deus que les famines ne sont plus naturelles mais orchestrées par des politiques. Il souligne le cas du Soudan, de la Syrie et de la Somalie où les morts par famine sont dus à des décisions politiques. Cette affirmation résonne dans le contexte actuel de Gaza, en proie à un blocus, où l’ONU avertit d’une famine à venir, du Soudan avec 18 millions de personnes confrontés à une crise de famine sans précédent due à la guerre civile, et du nord de l’Éthiopie, où la famine menace à nouveau suite au conflit de Tigré (2020-2022).
Il y a quarante ans, les mêmes régions de Tigré et Wollo en Éthiopie étaient aux prises avec une famine dévastatrice qui a coûté la vie à plus de 300 000 personnes. Les photos des personnes aux portes de la mort dues à la faim ont choqué le monde, provoquant une vague de solidarité internationale avec des initiatives musicales aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France.
En 1984, une famine digne des récits bibliques a sévi, comme l’a décrit le reporter de la BBC, Michael Buerk, qui a documenté la scène dans une vallée aride du Wollo, transformée en un énorme camp de réfugiés où des centaines de personnes déplacées par la guerre civile et la faim décédaient chaque nuit. Leurs corps étaient ensuite collectés par camions chaque matin. Il avait à ses côtés le photographe kényan Mohamed Amin, dont les archives photographiques sont présentées ici.
L’éthiopie porte encore les stigmates d’images d’un passé marqué par la sécheresse, en particulier sur les hauts plateaux du nord, qui subissent des périodes d’aridité plus ou moins intenses tous les dix ans environ. En 1973, une absence de précipitations a eu un effet dévastateur, causant la mort de près de 50 000 agriculteurs. L’empereur Haïlé Sélassié Ier, soucieux de sa réputation, a choisi d’en faire abstraction plutôt que d’affronter le problème de front. Cependant, sa négligence a alimenté une vague de mécontentement populaire, renforcée par une révolution marxiste étudiante. En utilisant la famine du Wollo comme preuve de l’égoïsme du monarque, les révolutionnaires ont provoqué sa déchéance en 1974.
Comme l’indique Yuval Noah Harari, la famine peut devenir une arme puissante en temps de guerre, et l’Éthiopie n’est pas une exception à la règle. Les terres du nord du pays, malgré leur vulnérabilité aux sécheresses, ont vu leur situation de crise alimentaire s’aggraver suite à des soulèvements et leur répression. L’exemple le plus récent est la guerre du Tigré (2020-2022), pendant laquelle le gouvernement du Premier ministre Abiy Ahmed – Nobel de la Paix 2019 – a imposé un blocus empêchant l’accès à l’aide humanitaire, poussant 90% du Tigré au bord de la famine. Même après la fin du conflit, la faim continue à faire des victimes : selon les autorités régionales, 1 390 Tigréens sont morts de faim au cours des six derniers mois.
La suite de cet article est disponible pour les abonnés, avec encore 61,77% du contenu à lire.
Laisser un commentaire