Gaetano Pesce, l’une des figures les plus emblématiques de l’architecture et du design italien modernes, est décédé le 4 avril à l’âge de 84 ans à New York, où il résidait depuis le début des années 80. Pesce, connu pour son énergie créative contagieuse, a malheureusement raté un rendez-vous très attendu le 14 avril au Salon international du meuble à Milan, organisé à la célèbre Bibliothèque Ambrosiana, qui abrite des esquisses et des carnets de Léonard de Vinci. L’invitation, présentée dans son matériau préféré, le plastique coloré, avec l’image d’un œil percé dans un triangle – symbole de la connaissance – semble maintenant prémonitoire. Le symbole est une véritable antithèse de son habituelle signature de poisson paisible – une représentation littérale de son nom de famille, Pesce.
Pesce a fait sensation en 1969 avec ses fauteuils Up, des pièces imposantes imitant la forme d’une madone, qui symbolisaient à la fois un manifeste féministe et sa révolte contre l’oppression des femmes dans la société et la famille. Dans l’un de ces fauteuils, couvert d’un habit de prisonnier rayé, Edouard Baer s’assoit dans le film « Daaaaaalí! » sorti en février dernier. Ces sièges, également surnommés « La Mamma » car ils évoquent la silhouette d’une femme reliée à un repose-pied rond comme un boulet, expriment sa résistance à cette aliénation, comme il l’a expliqué au Monde en 2014.
Gaetano Pesce est né en 1939 à La Spezia, en Ligurie, et a été élevé par sa mère, une pianiste. Il est diplômé en architecture de l’Université de Venise et s’est rapidement immergé dans la scène de l’avant-garde. Pesce se rebelle contre l’uniformité en architecture et dans la production industrielle. Collaborant avec le fabricant italien Cassina, il a conçu un premier fauteuil en série, le « Sit Down », en 1975, introduisant ainsi des « accidents » aléatoires dans sa conception. Il prône la beauté de l’imperfection et aspire à « libérer les objets de la nécessité d’être identiques », un thème récurrent dans son œuvre. « La diversité est synonyme de démocratie », affirme-t-il.
Pesce a commencé à exposer plusieurs de ses œuvres au MoMA de New York en 1972, aux côtés d’autres innovateurs du design italien radical, dont Ettore Sottsass. L’exposition s’intitulait « Italie : Le Nouveau Paysage Domestique ». De là, cet artiste prolifique a produit une multitude d’objets militants, brouillant les lignes entre art et design, poésie et politique. Avec ses œuvres telles que la série « Golgotha » (1972) et la lampe « Tchador » (2000), il aborde des questions religieuses. La série « Golgotha » comprend une chaise suggérant le suaire de Turin et une table sur laquelle du sang coule de la croix. Quant à la lampe « Tchador », elle est percée de deux trous. À noter que la suite de cet article est réservée aux abonnés.
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