Il est stupéfiant de voir les images du chaos qui prévaut actuellement en Haïti. Ce que les médias ne soulignent pas souvent, c’est ce qui a fortement contribué à cette crise : un passé profondément enraciné dans la colonisation, l’esclavage et les interventions étrangères, et une histoire marquée par la violence politique et sociale. Il est essentiel que les Français comprennent mieux ces réalités, s’ils veulent éviter de maintenir l’idée que l’héritage de la violence coloniale peut être oublié.
Au XVIIIe siècle, Haïti était la plus lucrative des îles des Caraïbes exploitant la main-d’œuvre esclave, enrichissant les planteurs et négociants français grâce à la production de sucre et de café, dont l’Europe se délectait pour la première fois à une telle magnitude. Une petite minorité de colons capitalisait presque tous les bénéfices, laissant à peine de quoi survivre aux esclaves, voire moins, si l’on tient compte du taux de mortalité alarmant qui les touchait.
En 1789, en pleine époque révolutionnaire, les esclaves se sont rebellés, expulsant les colons et proclamant l’indépendance en 1804. Malgré les tentatives de reconquête de Napoléon, l’indépendance a persisté, même si le pays a connu des divisions, en partie sous l’impulsion des Européens qui peinaient à accepter ce fâcheux précédent pour leurs autres colonies. En 1825, face à la menace des navires de guerre français, le gouvernement haïtien est contraint d’accepter d’indemniser les anciens propriétaires d’esclaves à hauteur de 150 millions de francs (réduits à 90 millions en 1838), un montant vertigineux équivalent à environ 300% de la richesse du pays (plus que les « réparations » exigées de l’Allemagne en 1919).
Des demandes de compensation financière accablantes.
Même après la diminution, le remboursement de la dette nécessitera la continuation des cultures d’exportation (principalement le café et le bois, puisque les usines de sucre ont été déplacées ou détruites à Cuba par les planteurs durant la rébellion), et cela au détriment de l’agriculture de subsistance. De plus, il aspirera la majeure partie des revenus publics pour une durée importante, résultant en une répudiation d’un gouvernement taxant lourdement ses citoyens sans offrir de services publics en retour.
L’acquittement de cette dette, trop imposant pour être honoré dans les brèves échéances définies, mène à une suite de manquements et de nouveaux prêts qui ne bénéficient qu’aux intermédiaires. Enracinée dans la brutalité de l’esclavage, la politique haïtienne est, depuis son indépendance, une série déchirante de guerres civiles, de coups d’État, de régimes autoritaires et de tentatives démocratiques éphémères. Les interventions étrangères sont légion, notamment celles des États-Unis, à partir de 1906.
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