Les ostréiculteurs du bassin d’Arcachon et les groupes de protection de l’environnement remportent leur première bataille dans l’affaire des huîtres infectées par le norovirus. Le mardi 2 avril, le tribunal de Bordeaux a instruit le Syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon (SIBA) et son délégué, SB2A, une filiale de Veolia Eau, d’exécuter diverses actions d’urgence (telles que l’arrêt total du pompage sur un bassin de sécurité, la construction de déversoirs d’orage …) pour rectifier « la conception actuellement inappropriée du système d’assainissement » qui provoque des débordements d’eaux usées dans l’espace naturel. Le juge de la liberté et de la détention, saisi par le procureur dans une procédure environnementale de référé peu fréquente, leur fixe un ultimatum (jusqu’à six mois pour certains travaux) couronné d’une amende de 1 000 euros par jour de retard, « compte tenu de l’étendue de la pollution ».
Le scandale a éclaté le 27 décembre 2023 : pendant le « pic » des célébrations de fin d’année, la préfecture de la Gironde interdit la vente d’huîtres suite à une augmentation significative des cas de gastro-entérite liés à l’ingestion d’huîtres infectées par le norovirus. « A Bordeaux, tout le monde connaît quelqu’un qui a été gravement malade », déclare François Ruffié, avocat de la filiale girondine de la Société pour l’étude et l’aménagement de la nature dans le Sud-Ouest, l’association qui a lancé le référé. Le 5 janvier, le bureau du procureur de Bordeaux a commencé une enquête préliminaire pour « écocide » et « déversement dans l’eau (…) d’un produit causant des effets nocifs graves et durables sur la santé ».
Thierry Lafon, ostréiculteur à Gujan-Mestras et président de l’Association de défense des eaux du bassin d’Arcachon, est le premier à porter plainte contre le SIBA suite à l’interdiction de la vente et à briser le silence qui règne dans son secteur. Il explique que son secteur fait face depuis des années à des problèmes de mortalité et de virus, mais que la discussion sur la pollution et la détérioration de la qualité de l’eau du bassin est un véritable tabou pour sa profession, au risque de se faire du mal. Cet ancien chef du Comité régional de conchyliculture Arcachon Aquitaine ajoute qu’ils ne peuvent plus ignorer cette situation.
Des interdictions de vente d’huîtres ont été mises en place en 2018, 2020 et février 2021 suite à des intoxications alimentaires dues à la présence de norovirus. Ces interdictions sont en raison d’une séquence qui se répète chaque fois qu’il y a des précipitations significatives: le réseau d’eaux pluviales est saturé, ce qui provoque un déversement d’eaux usées chargées de matières fécales qui finissent par contaminer le bassin et donc les huîtres.
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